La libéralisation du paysage audiovisuel national, marquée par la création de plusieurs stations de radio durant les derniers mois, a mis en lumière la problématique de la mesure d’audience. Certes, des statistiques sont publiées régulièrement. Mais les professionnels sont unanimes quant à la nécessité de mettre en place un système professionnel s’appuyant sur un panel représentatif. En effet, en raison du flou qui prévaut aujourd’hui dans ces statistiques, les professionnels sont dans une posture délicate.
« Le système qui existe actuellement ne répond pas aux attentes des professionnels de la radio. Pour l’instant, et pour mesurer l’impact de notre message et de nos émissions, nous sommes contraints de nous baser sur la réactivité des auditeurs. C’est en quelque sorte notre thermomètre », souligne Khadija Ridouane, rédactrice en chef de la radio Atlantic du groupe Eco Média. Pour Younès Boumehdi, directeur et initiateur de Hit Radio, les deux systèmes actuellement en place ne répondent pas entièrement aux attentes. « Le choix du panel est primordial dans chaque mesure d’audience. Au Maroc, le panel choisi par le système en place est beaucoup plus urbain que rural. Les personnes sont interrogées sur leurs choix de la veille, ce qui ne peut être très exact », explique Younès Boumehdi.
Une dernière critique est formulée à l’égard de ce panel : « Les enquêteurs omettent de questionner les conducteurs de voitures ou autres véhicules qui, comme chacun le sait, sont de grands consommateurs de radio ».Une source de la radio Aswat, souhaitant garder l’anonymat, a par ailleurs signalé que « les résultats publiés de cette mesure d’audience ne reflètent pas le comportement exact des auditeurs et l’intérêt qu’ils portent à chaque station et à chaque émission, ce qui complique la tâche des médias planeurs ».Un souci qui se justifie d’ailleurs par l’augmentation des dépenses publicitaires radiophoniques, ces derniers ayant doublé en l’espace de cinq années.
Radio Scan offre des mesures chaque mois, Creiso propose des analyses plus approfondies mais à une fréquence moins régulière
Mais en quoi consistent les deux systèmes évoqués par les professionnels de la radio ? Le premier, baptisé « Radio Scan » et mis en place par le cabinet Créargie, offre chaque mois des mesures d’audience des radios existantes. Un classement est régulièrement publié attribuant à chaque station une part de marché en fonction de cibles précises. Ce système place ainsi Radio 2M en tête des stations les plus écoutées dans la région de Casablanca avec une part de marché de 24 %. Elle est suivie de près par Chada FM (19%).
Les troisième et quatrième positions sont occupées respectivement par Casa FM (16 %) et Hit Radio Music (15%).Toutefois, dans d’autres régions, et sur des cibles de collégiens, lycéens et étudiants, cette dernière station se positionne en tête ou en seconde position du peloton. Contactés par La Vie éco, les responsables de Créargie n’ont pas souhaité donner de plus amples informations sur la construction de leur modèle ni réagir aux différentes critiques formulées à l’encontre de leur outil « Radio Scan ». Le second système, lui, a été mis en place par le Centre de recherche en information et des sondages d’opinion (Creiso), créé au sein de l’Institut supérieur de l’information et de la communication (ISIC).
Il présente des analyses beaucoup plus approfondies, certes, mais à des fréquences moins régulières. Initiées la plupart du temps sur commandes particulières, les enquêtes du Creiso décortiquent le comportement des auditeurs. Actuellement, les équipes de ce centre se penchent, par exemple, sur la préparation d’une grande enquête sur les auditeurs de Hit Radio. Pour l’autorité de régulation de l’audiovisuel, en l’occurrence la Haute autorité à la communication audiovisuelle (Haca), tous ces problèmes seront prochainement résolus. D’abord, il y a la décision 03-06 du 15 février 2006 relative aux normes juridiques et techniques applicables à la mesure d’audience, précisément son article 5, qui oblige l’institut adjudicataire de l’appel d’offres sur la mesure d’audience télévisuelle à mesurer l’audience des services de radiodiffusion « quelles qu’en soient les techniques de diffusion ».
Depuis février 2007, on connaît la société qui s’occupera de la mesure de l’audience : il s’agit de Médiamétrie France qui a été déclaré adjudicataire suite à l’appel d’offres lancé en 2006. L’adjudicataire n’a pas attendu longtemps pour passer à la phase de concrétisation. Enmars dernier, en effet, a été constitué le Centre professionnel d’audimétrie médiatique (Ciaumed), sous forme d’un groupement d’intérêt économique (GIE), dans lequel siègent notamment Médiamétrie France, les professionnels (TV et radio), les régies publicitaires, les agences conseil en communication et le Groupement des annonceurs du Maroc (GAM). Ce centre est chargé de mettre au point deux systèmes de mesure : l’un destiné aux chaînes télévisées et l’autre aux stations radios.
« Nous avons commencé par la mesure d’audience télévisuelle dont les tests vont être lancés dans les semaines à venir. Pour la radio, Médiamétrie examine les différentes possibilités techniques à mettre au point », indique Mohamed Belghouate, directeur général du Ciaumed. Et d’ajouter que cette mesure d’audience se basera sur les bassins d’audience identifiés par la Haca. Une journée d’étude est d’ailleurs prévue le 15 juin prochain avec les agences conseil en communication, les professionnels et les annonceurs pour affiner les contours du nouveau système à mettre au point. Le coût et la méthodologie à suivre devront également être définis.
La vie éco - Fadoua Ghannam