Studio 2M, le marchand de rêves

19 août 2007 - 01h10 - Culture - Ecrit par : L.A

Quatre gagnants pour la quatrième édition de Studio 2M. Leila El Berrak et Sabrine El Kouali, choisies par le jury et Marouane El Bekri et Imane Karkibou, plébiscités par les téléspectateurs. Jamais encore un concours de chant télévisé n’a accouché d’autant de vainqueurs.

À la recherche de la Nouvelle Star, de la chaîne de télévision française M6, dont Studio 2 M s’inspire largement, comme à la Star Academy d’Endemol ou encore à X-Factor, il n’y a qu’un seul gagnant. Un seul qui remporte le gros lot : un album et une tournée nationale, voire internationale. Et, dans les meilleurs des cas, un million d’euros.

Pourquoi 2M est-elle si généreuse ? Parce qu’il n’y a rien à y gagner. Du moins pour les candidats. Car, 2M, elle, se frotte les mains. En termes d’audience, la chaîne de télévision bat les records. 90% en moyenne, primes et capsules quotidiennes confondues. Avec un tel pourcentage, les publicitaires ne peuvent qu’adhérer.

Les revenus de la pub tournent autour de 14 millions de dirhams. Quant aux SMS de vote, plus de 100.000 en moyenne, ils rapportent 4 millions de dirhams, sans parler des messages, au coût de 5 dhs HT, permettant de participer à la tombola avec des promesses de lots alléchants. Difficile pour les téléspectateurs de ne pas céder à la tentation.

Les gagnants, eux, se contentent d’un trophée en métal et d’un single diffusé durant trois mois sur la chaîne télévisée et sur les ondes de la Radio 2M. On est bien loin du million d’euros de la Star Academy. Mais, il ne faut pas comparer l’incomparable. L’émission de télé-réalité d’Endemol, boîte de production internationale, est une machine bien huilée. Sauf qu’au Maghreb, elle a connu des pannes. Hajar Adnani, la gagnante marocaine de la première promotion de la Star Academy Maghreb, est en litige avec Karoui&Karoui, la société promotrice de cet événement, à propos du million. Une première dans les annales de la Star Academy, organisée dans une trentaine de pays dans le monde.

Si Studio 2M offre une visibilité éphémère à ces gagnants, c’est parce que cette émission elle-même manque de visibilité. Les règles du jeu changent au gré des humeurs du jury. Pour la finale, il ne devait rester que six candidats des trente-trois retenus au départ. Mais, le public se retrouve face à sept. Le jury au coeur tendre n’arrive pas à trancher. Et, des sept finalistes, quatre l’ont remporté. Une erreur. Ce genre de compétition déniche, d’habitude, la perle rare. L’exception capable de réunir les foules par son originalité. Toute une logistique est mise en place, dès lors, pour en faire une icône de la jeunesse, une machine à vendre. C’est de cette façon que le phénomène Jennifer (Star Academy I France) est née. Chez cette jeune Niçoise, tout est ordinaire. Mais, la chaîne française TF1 et la maison de disques Universal ont su en faire une starlette à coup de matraquage médiatique et de promotions.

Que deviendront les quatre de Studio 2M dans six mois ?

D’ici, déjà un mois, le public ne retiendra que deux prénoms des quatre. Le jour de la sortie de leur single passera, probablement, inaperçu. Car, il coïncidera avec la nouvelle promotion de la Star Academy Liban ou X-Factor de Rotana. Ce n’est pas là seulement des idées pessimistes balancées à la légère, mais une réalité bien avérée.

Studio 2M en est à sa quatrième édition. Où sont les gagnants des trois précédentes ? Tous sont devenus des chanteurs d’événementiel avec des projets à venir.

Joudia, la gagnante de la première édition dans la catégorie “chanson occidentale”, arrondit ses fins de mois en animant des soirées mondaines à Marrakech, sa ville natale et prépare un album à Paris. La petite à la voix rauque est la plus enviable. Car, en plus de ses deux singles, elle a chanté avec des grands noms comme Corneille, Charles Aznavour et Mami. Mais, elle doit ce palmarès plus à sa détermination, son talent et le précieux soutien de sa famille, qu’à la chaîne de Aïn Sebaâ, même si elle ne l’avoue pas.

Leila, la Montréalaise, le prix du jury de 2005, poursuit ses études en tourisme, s’essaye au cinéma et cumule des apparitions dans des soirées de la communauté marocaine au Canada. Avec son époux, elle prépare un album. Hatim tente le tout pour le tout pour vivre son rêve. Il a émigré en Egypte pour se faire une place au soleil. Pourvu qu’il y arrive. La pimpante Mouna a disparu de la scène. On dit qu’elle est une star locale dans son pays d’accueil, la Suède. Même si les gagnants de Studio 2M sont tous dans la galère, rares ceux qui osent critiquer la chaîne. Seul Aziz, gagnant de la première édition, l’a fait. Il en paye, aujourd’hui, le prix. Il est, tout bonnement, banni des ondes de 2M. Celui qui a tout quitté pour Studio 2M, sa vie et son emploi en Italie, pousse la chansonnette dans les pianos-bars et les restaurants pour survivre.

Mais, dans cette affaire, la deuxième chaîne de télévision marocaine n’est pas la seule coupable. La culture n’a jamais été une priorité dans l’action gouvernementale marocaine. La chanson encore moins. On se contente d’offrir aux troupes folkloriques leur heure de gloire le temps d’un festival avant de les laisser tomber. Les groupes du mouvement « underground », hip-hop, rap, fusion..., connaissent le même sort. Actuellement, ils sont les têtes d’affiches des manifestations culturelles les plus renommées. Hoba Hoba Spirit ou H-kayne ou encore Fnaïre sont de toutes les fêtes. Ceci dit, tant mieux pour eux. Mais, de quoi est fait demain quand ils auront fait le tour des festivals ? Dieu seul le sait.

Par contre, ce que personne n’ignore, c’est que beaucoup de chanteurs marocains sont morts dans la disette. Mohamed El Hayani en est l’illustre exemple. Ceux qui sont toujours en vie résistent. Abdelahdi Belkhayat, l’un des ténors de la chanson marocaine, ne rechigne pas à faire les mariages pour les cachets plus ou moins conséquents. Naïma Samih n’arrive pas à joindre les deux bouts. Sa dernière apparition à la finale de Studio 2M, le 28 juillet 2007, montre bien qu’elle passe plus par des bas que des hauts.

Dans un pays où le star-système n’existe pas, cela ne surprend guère.
Le reproche à faire à Studio 2M, c’est que cette émission fait miroiter un rêve qu’elle sait, d’avance, irréalisable à des jeunes pleins d’espoirs. Le réveil n’en sera que plus dur.

Maroc Hebdo - Loubna Bernichi

Bladi.net Google News Suivez bladi.net sur Google News

Bladi.net sur WhatsApp Suivez bladi.net sur WhatsApp

Sujets associés : Musique - Télévision - 2M - Star Academy - Studio 2M - Jeunesse

Ces articles devraient vous intéresser :

TikTok, vecteur de débauche au Maroc ?

De nombreux Marocains continuent d’appeler à l’interdiction de TikTok, dénonçant la publication par les jeunes de contenus violents ou à caractère sexuel sur cette application qui, selon eux, porte atteinte aux valeurs du royaume.

Ramadan 2024 : le programme très marocain d’Al Aoula

La chaîne de télévision marocaine Al Aoula a concocté un programme alléchant pour ses téléspectateurs à l’occasion du mois sacré de Ramadan.

Les 10 ans du Marrakech du Rire en rediffusion sur W9

W9 passe en mode rediffusion ce jeudi à partir de 21h15, les 10 ans du Marrakech du Rire. Un programme de divertissement qui a le don de faire grimper l’audience des chaines de télévision.

Le chanteur marocain Abdellah El Daoudi en deuil

Le chanteur marocain Abdellah El Daoudi vient d’annoncer une triste nouvelle dans un message publié sur les réseaux sociaux.

Maroc : le débat sur l’interdiction de TikTok s’invite au parlement

Plusieurs députés marocains appellent à l’interdiction de TikTok au Maroc. Ils s’inquiètent de la qualité des contenus publiés sur ce réseau social chinois qui, selon eux, constitue un danger pour la jeunesse.

Après « H », Jamel Debbouze revient avec « Terminal »

Canal+ a confirmé cette semaine que la série « Terminal », projet de l’humoriste franco-marocain Jamel Debbouze, suivra la lignée de la célèbre série « H » qui a connu un très gros succès au début des années 2000.

"Lbouffa" : La cocaïne des pauvres qui inquiète le Maroc

Une nouvelle drogue appelée « Lbouffa » ou « cocaïne des pauvres », détruit les jeunes marocains en silence. Inquiétés par sa propagation rapide, les parents et acteurs de la société civile alertent sur les effets néfastes de cette drogue sur la santé...

Une chaîne marocaine accusée d’offense au roi Mohammed VI

La chaîne de télévision d’information en continu marocaine, Medi 1 TV est sous le feu des critiques des Marocains qui l’accusent d’avoir offensé le roi Mohammed VI.

Evincée, Salima Belabbas retrouve sa place sur RTL

Écartée de la présentation du JT de 19h sur RTL en janvier, Salima Belabbas revient en force en tant qu’animatrice de deux émissions phares de la chaîne privée.

Deux animateurs marocains se clashent sur les réseaux sociaux

Que se passe-t-il entre Momo d’Hit Radio et Rachid Allali de 2M ? Les deux animateurs semblent se déclarer la guerre verbale sur les réseaux sociaux.