Polonais et Marocains se disputent les fraises d’Andalousie

29 mars 2002 - 19h13 - Economie - Ecrit par :

Les serres de la région de Huelva, en Andalousie, où poussent chaque année des tonnes de fraises, sont au bord de l’explosion. La récolte ne fait que commencer, mais ce verger de l’Europe fait face à une arrivée massive d’immigrés cherchant à se faire embaucher pour la saison.

Alors que l’année dernière, à cause du manque de main-d’oeuvre, les agriculteurs avaient perdu 15 000 tonnes de fraises, soit 9 millions d’euros, cette saison ils se retrouvent avec trop de petites mains. A l’origine de cette inadéquation, un malentendu entre le ministère du Travail et le gouvernement autonome d’Andalousie. Le 21 décembre 2001, les autorités nationales et régionales avaient signé un accord pour fixer le nombre d’immigrés à régulariser le temps de la récolte.

Les deux parties étaient tombées d’accord sur l’embauche de 3 500 travailleurs. Mais le gouvernement central relevait à 7 000 le nombre de travailleurs. Résultat : quelque 5 000 personnes en règle pour travailler dans la région se retrouvent sans emploi. Cette situation s’est encore aggravée depuis l’arrivée mi-mars de 6 800 travailleurs de l’Est.

Des dizaines d’agriculteurs espagnols ont fait le voyage cet hiver en Roumanie et en Pologne pour aller chercher eux-mêmes de la main-d’oeuvre : 5 800 Polonais et 1 000 Roumains ont été embauchés, alors que 7 000 immigrés marocains étaient venus spécialement pour la récolte. Payés 29,30 € par jour, les travailleurs de l’Est, en majorité des femmes, reçoivent un salaire plus ou moins égal à celui des Marocains, mais vivent dans de bien meilleures conditions.

Venus en cars, les premiers sont logés dans des foyers spécialement construits, alors que les Marocains occupent des semi-bidonvilles sans eau courante, plantés aux alentours des serres. Ces inégalités de traitement irritent les travailleurs musulmans qui cueillent les fraises, une tâche qui était dévolue aux Portugais depuis une dizaine d’années.

Pour Kamal, un des représentants de l’Association d’aide aux travailleurs immigrés marocains (Atime), les Espagnols cherchent à évincer les Marocains : « La situation est très tendue car nous sentons un racisme de plus en plus radical envers notre communauté. » Du côté des agriculteurs, on invoque la crise diplomatique entre Madrid et Rabat pour expliquer ce revirement vers les pays de l’Est.

Les 7 000 Marocains sans travail n’ont pas décidé de baisser les bras. Depuis une semaine, ils manifestent quasiment tous les jours dans différentes municipalités de la région. Sous le slogan « Une marche pour la dignité », ils revendiquent le droit d’avoir du travail et d’être de culture différente. « Cela fait des années que nous travaillons dans la culture des fraises, que nous vivons comme des esclaves et cette année on nous enlève le pain de la bouche ! », s’insurge Mohamed Hannan, présent dans une des manifestations pacifistes.

Sur le terrain, trois organisations humanitaires, financées en partie par la région d’Andalousie - Caritas, Huelva Acoge et la Croix-Rouge -, ont été dépêchées en urgence pour distribuer trois fois par semaine des vivres aux immigrés marocains

Bladi.net Google News Suivez bladi.net sur Google News

Bladi.net sur WhatsApp Suivez bladi.net sur WhatsApp

Sujets associés : Agriculture - Pologne - Compétitivité - Asociacion de Trabajadores Inmigrantes Marroquíes en España

Ces articles devraient vous intéresser :

Le Maroc pourrait importer 5 millions de tonnes de céréales cette année

Le Maroc pourrait importer jusqu’à 5 millions de tonnes de céréales cette saison 2022-2023. Le royaume poursuit sa stratégie de diversification des sources d’approvisionnement dans un contexte climatique tendu.

Interdiction d’abattage des vaches laitières : le gouvernement s’explique

Face à une polémique qui enfle, le gouvernement a apporté des clarifications concernant la décision d’interdiction d’abattre les vaches laitières.

Un agriculteur espagnol attaque la famille royale marocaine

Le Tribunal de l’Union européenne a entendu mardi les arguments de l’entreprise Eurosemillas, spécialisée dans la production de semences sélectionnées, qui demande l’annulation de la protection communautaire des obtentions végétales pour la variété...

Le Maroc va importer 2,5 millions de tonnes de blé

Le Maroc veut importer 2,5 millions de tonnes de blé entre le 1ᵉʳ juillet et le 30 septembre 2023, a annoncé l’Office national interprofessionnel des céréales et des légumineuses (ONICL).

Le Maroc contraint de réorienter sa production agricole

Face à la sécheresse et au stress hydrique d’une part, et à l’inflation d’autre part, le gouvernement marocain est contraint de revoir sa politique agricole et alimentaire pour garantir l’eau et le pain.

Agriculture : appel au renforcement de la coopération entre le Maroc et Israël

Le ministre israélien de l’Agriculture appelle le Maroc et l’État hébreu à s’investir davantage dans le développement du secteur agricole à travers la signature d’accords de partenariat.

Maroc : 3,7 milliards de dirhams de subventions au secteur agricole

Le gouvernement maintient son soutien au secteur agricole. Cette année, 3,7 milliards de dirhams de subventions seront affectés au secteur, pour un investissement global de 7,4 milliards de dirhams.

Tomate marocaine : le nouveau cauchemar des producteurs français

Face à l’augmentation des importations de tomates marocaines, les producteurs français expriment leur inquiétude et pointent du doigt une concurrence déloyale.

Tomate : le Maroc dépasse l’Espagne en Europe

Pour la première fois, le Maroc se hisse au rang de premier fournisseur de tomates sur le marché européen, devançant ainsi l’Espagne. Un pur hasard ? non, le Maroc prend peu à peu la place de premier fournisseur pour l’Europe.

L’OCP s’empare de 50% de l’espagnol GlobalFeed

L’Office Chérifien des Phosphates (OCP) confirme avoir réussi l’acquisition de 50 % du capital de la firme espagnole GlobalFeed. Cette transaction a été réalisée en partenariat avec l’entreprise d’engrais Fertinagro Biotech, également basée en Espagne.