Le roi Mohammed VI ne prononcera plus le discours de la célébration de la Révolution du Roi et du Peuple le 20 août. Celui-ci, selon le Cabinet royal est trop proche du discours du Trône et celui de la rentrée parlementaire.
Si ce n’est pas elle, c’est son clone. Vingt-deux ans après le vote de la loi de 1982, qui vit l’audiovisuel français connaître la plus vaste refonte de son histoire - avec la lagélisation des « radios libres » et la création de la Haute Autorité - le Maroc en importe aujourd’hui les grandes lignes.
Comme si l’ombre de Pierre Mauroy, Premier ministre à l’époque, était venue planer sur cette réforme de l’audiovisuel mise en chantier il y a deux ans, à la demande du roi Mohammed VI.
« La démocratie ne peut se concevoir sans un système de communication performant »
Le Maroc, qui souhaite tourner la page des « années de plomb », s’apprête ainsi à libéraliser son paysage médiatique. Une première dans le monde arabe et un symbole de l’aveu même du souverain chérifien, qui expliquait, lors du discours du trône, en juillet 2004, que « la démocratie ne peut se concevoir sans un système de communication performant ». Après qu’il eut fait voter, en 2002, une loi abolissant le monopole d’Etat de la radio et de la télévision, et amorcé une réforme de la presse pour laquelle une charte d’éthique ainsi qu’un fonds de soutien sont à l’étude.
Plus qu’un simple entrebâillement, c’est donc d’une large ouverture qu’il s’agit. La radio, d’abord. L’institution étatique, une vieille maison du type ORTF, va être entièrement dépoussiérée. Outre la création de neuf stations régionales, c’est le mode de désignation de ses dirigeants qui est réformé. Comme les patrons de la télévision publique, ceux-ci seront désormais désignés par une haute autorité de l’audiovisuel dont le président et les membres (neuf, au total) ont été nommés par le roi, le Premier ministre et les présidents des deux assemblées. Un système calqué sur celui qui est en vigueur en France depuis vingt-deux ans.
L’autre réforme du paysage radiophonique concerne la FM. 90 projets de « radios libres » locales ou régionales ont été déposés. Financées par la publicité, elles verront le jour dans les mois qui viennent. Seule exception à cette ouverture, les radios dites « confessionnelles » : attentif - le mot est faible - aux activités de la mouvance islamiste, le pouvoir marocain a préféré les bannir du paysage, « par crainte de débordements et d’actions de prosélytisme », explique Mohammed Nabil Benabdallah, ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement.
Le chantier suivant concerne la télévision. Les 2 300 salariés de la télé publique vont changer de statut. Le groupe qui les emploie sera non plus un appendice du gouvernement, mais une société d’Etat indépendante des rouages administratifs et politiques du pays : la fin des « années Peyrefitte », version marocaine... Néanmoins, l’élément le plus important de la réforme concerne le secteur privé. Les actionnaires (y compris d’origine étrangère) des chaînes à venir se verront accorder jusqu’à 51% du capital. Une disposition ultralibérale à laquelle vient s’ajouter une autre, non moins iconoclaste : l’obligation de voir les rênes de ces chaînes confiées à des opérateurs « qualifiés », c’est-à-dire à des groupes de médias. Une telle règle édictée en France aurait ainsi interdit au groupe Bouygues de se porter acquéreur de TF 1, en 1987. Trois projets de chaînes privées sont à l’étude. L’une régionale, la deuxième culturelle et la troisième internationale : un projet du type TV 5, destiné notamment aux 5 millions de membres de la diaspora marocaine.
Si le Maroc s’est largement inspiré pour sa réforme du cas français, c’est que les relations entre les deux pays, dans le domaine de l’audiovisuel, sont étroites. En témoigne le projet Médi 1 TV, mis sur pied au terme de quelques mois de discussions, après que Jacques Chirac et Mohammed VI s’en furent entretenus. Cette chaîne d’informations bilingues, créée à partir de la radio franco-marocaine Médi 1, se veut un contrepoids à des chaînes d’infos panarabes islamistes. Bâti par un Français - l’actuel patron de Médi 1, Pierre Casalta - ce projet, qui doit voir le jour dans le courant de 2005, aura pour principaux actionnaires la Caisse des dépôts et Maroc Telecom. Une passerelle entre Paris et Rabat et un pied de nez, au passage, au projet de la chaîne française d’informations internationales, une idée de Jacques Chirac encore bien abstraite.
Renaud Revel - L’Express
Ces articles devraient vous intéresser :