Mehdi Qotbi, la fureur de convaincre

28 février 2005 - 18h43 - Culture - Ecrit par :

On n’a plus besoin de présenter Mehdi Qotbi. Qotbi l’artiste, Qotbi le lobbyiste, Qotbi le charmeur. Pourtant, cet homme trouve toujours un moyen pour s’imposer à l’actualité, envahir les écrans et intéresser les rédactions. Une qualité qu’il doit certes à son dynamisme et à son activisme acharné en faveur de son pays. Mais qui résulte surtout de son énorme culot, héritage d’une enfance difficile.

Mehdi Qotbi est aujourd’hui l’homme important qui connaît tout le monde et que tout le monde connaît.
Dans son carnet d’adresses très fourni, les têtes couronnées côtoient les stars du show-bizz et les grands de ce monde. Pourtant, on ne peut pas dire que l’homme soit bien né. De son enfance pauvre dans le quartier populaire de Takaddoum à Rabat, Mehdi ne garde pas que des bons souvenirs.
Entre l’indifférence d’une mère distante et la brutalité d’un père taciturne, le gamin cultive très tôt un grand sens de la débrouillardise. “Je savais que je ne pouvais compter que sur mes propres moyens et sur mon culot pour survivre”, explique-t-il. Un jour, il fait une rencontre décisive, celle de Mahjoubi Aherdane, ministre marocain de la Défense à l’époque. Il n’hésite pas à l’interpeller pour lui demander une faveur. “Je l’ai supplié de trouver un boulot pour ma grande sœur, qui était au chômage”, se rappelle-t-il. Lorsque, le lendemain, le gamin est reçu au bureau du ministre, il récidive et prie Aherdane de l’inscrire à l’école militaire de Kénitra.
Son vœu exaucé, le jeune Mehdi n’est pas pour autant comblé. Élève en dessous de la moyenne, de surcroît indiscipliné, il comprend très vite que le monde militaire n’était pas sien. Entre temps, Mehdi Qotbi a découvert sa vraie vocation : la peinture, qui devient son principal mode d’expression, son alibi. “J’étais enfin devenu quelqu’un, on s’intéressait à ce que je faisais”, confie le peintre. Cependant, à l’âge de treize ans, Mehdi Qotbi décide de déserter le lycée militaire. “J’ai fait le mur comme n’importe quel gamin”, tempère-t-il. S’ensuit une période de bohème où le jeune homme exerce divers métiers : apprenti coiffeur, puis boy chez une famille de nantis rbatis. Une deuxième rencontre déterminante vient bouleverser sa vie. Celle avec le peintre Gharbaoui.
Séduit par le talent et le charme du jeune artiste, le grand maître le convainc de partir en France pour y parfaire son art. En 1968, à l’âge de 17 ans, Mehdi Qotbi émigre en France. Quatre années et beaucoup d’efforts plus tard, Mehdi décroche son diplôme de l’école des Beaux-arts de Toulouse, devenant par là même le plus jeune diplômé dans l’histoire de cette prestigieuse école.
Son art éclate alors aux yeux du monde qui découvre, séduit, ses toiles typées et tellement imprégnées de ses racines marocaines. Il utilise alors sa peinture comme sésame pour accéder à la cour des grands. Il évolue avec l’aisance d’un poisson dans les milieux selects de la capitale française. Lui, le garnement de Takaddoum, se met à fréquenter des hommes aussi importants que Léopold Sedar Senghor, Michel Butor, Maurice Druon ou Jacques Derrida.
Le nouveau venu charme autant qu’il intrigue. Le tout Paris se demande qui est cet homme grand comme trois pommes et vif comme un feu follet qui se permet de se présenter à l’Elysée à vélo. L’intéressé n’en a cure, il fonce tête baissée, multiplie les rencontres, étoffe son carnet d’adresses, avant de changer de casquette.
C’est l’époque où l’artiste se découvre des dons de lobbyiste, qu’il décide de déployer en faveur de son pays d’origine. Nous sommes en 1991, Gilles Perrault vient de commettre son célèbre pamphlet “Notre ami le roi”, Mehdi Qotbi décide de fonder le Cercle d’amitié franco-marocaine. On découvre alors la communication à la sauce Qotbi : Un mélange de spontanéité, de culot et d’acharnement. Et les résultats suivent. De colloques en rencontres, en campagnes de presse et de voyages de personnalités politiques françaises, le Cercle réussit là où la diplomatie trébuche. Au fil des ans et des réalisations, Mehdi Qotbi devient un élément clé dans les relations franco-marocaines. Son travail est apprécié au plus haut niveau.
Décoré, remercié et encouragé par les deux rois, feu Hassan II et Sa Majesté Mohammed VI, le gamin de Takaddoum exulte. Fier de ses origines et fidèle à ses engagements, au moment où certains anciens proches du sérail n’ont pas hésité à retourner leurs vestes, Mehdi Qotbi estime aujourd’hui que sa plus grande récompense, c’est la reconnaissance. Sa dernière prouesse en date, un voyage organisé pendant lequel plusieurs députés socialistes français ont eu tout le loisir de découvrir le Maroc de la nouvelle ère. Celui de Mohammed VI, que le peintre vénère, celui de la nouvelle Moudawana et des audiences de l’IER. Un Maroc plus avenant, que le lobbyiste considère plus facile à promouvoir. Il n’arrête pas pour autant de batailler. Actuellement, en attendant la visite au Maroc de Nicolas Sarkozy, chef de la majorité parlementaire française actuelle, en mars 2005, une visite qui entre dans le cadre des multiples activités que le Cercle d’amitié franco-marocaine organise, Mehdi l’artiste s’attèle à satisfaire les nombreuses commandes de tableaux qui ont suivi sa glorieuse exposition de Casablanca. Il prépare également sa prochaine exposition qui aura lieu à Tours en France, le mois d’avril prochain. Autrement dit, le gamin de Takaddoum n’a pas fini de se démener. De ses multiples casquettes et de son immense œuvre, l’histoire retiendra certainement son grand dévouement pour sa patrie, son culot et surtout sa grande soif de reconnaissance. Et devenir officier des Arts et des Lettres, ce n’est pas une mince reconnaissance.

Majdouline El Atouabi - Maroc Hebdo

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