Abdellatif a toujours su que son deuxième garçon avait des qualités pour aller loin dans le football.
"On ne sait jamais dire qu’il va percer au plus haut niveau, mais j’avais décelé son potentiel. Lorsqu’il avait sept ans, on allait jouer devant l’Atomium. Quand on est arrivés à Anderlecht, on m’a dit qu’il était trop âgé pour commencer le football. J’ai insisté, et on lui a fait passer un test. Ils ont pris le gardien titulaire et ont dit à Marouane de shooter. Le gardien était flamand. Je le sais, car sa maman n’a pas arrêté de lui crier dessus : il ne prenait pas un ballon. Du droit, du gauche, de 18 mètres, Marouane envoyait des pêches. L’entraîneur ne voulait pas croire qu’il n’avait jamais été dans un club et l’a directement inscrit. La première année, il a marqué 26 buts. La deuxième 37. Et tout cela comme médian défensif."
Marouane a toujours obtenu des résultats partout où il est passé. "Il a été champion avec Mons et avec les Francs Borains" , détaille Abdellatif.
Depuis, quel chemin parcouru ! "Il n’est pas encore arrivé. Il est au Standard. Il sera arrivé quand il jouera dans un club du Top 10 européen. Il est prêt. La preuve : lors de son premier but en équipe nationale, contre le Portugal, il a gagné son duel contre l’arrière central de Chelsea (Ferreira) et le défenseur de La Corogne (Jorge Andrade) !"
Douteux, Marouane Fellaini aimerait porter la vareuse belge demain soir, mais il aurait pu également évoluer dans le camp marocain. En février 2007, le médian du Standard a opté pour les Diables Rouges alors qu’il pouvait choisir les Lions de l’Atlas . Marouane possède la double nationalité : il est né à Bruxelles, à Etterbeek, de parents marocains. Son père, Abdellatif, et sa mère, Hafida, ont grandi dans le même quartier à Tanger.
Un papa ancien gardien de D1
"On a quitté le Maroc en 1972 , raconte Abdellatif. J’avais 24 ans, je jouais au football, comme gardien. Après avoir évolué en D1 marocaine à Casablanca et à Agadir, je voulais trouver un club en Belgique. On est arrivés chez un ami, à Bruxelles. J’ai joué en Réserve au Racing Malines, à Boom, etc. Mais je ne restais pas longtemps, car la Fédération marocaine n’envoyait jamais le certificat de sortie..."
Du coup, le père Fellaini s’est engagé à la STIB (société des transports en commun bruxellois) où il a travaillé durant 32 ans : "J’étais chauffeur de bus. On habitait rue de la Reine, juste en face du Heysel. J’ai donc logiquement inscrit Marouane à Anderlecht, lorsqu’il avait 7 ans. Il y est resté jusqu’à ses 10 ans puis on a déménagé à Mons et on l’a inscrit aux Francs Borains. De là, il est parti à Charleroi pour, ensuite, débarquer au Standard grâce à Christophe Dessy."
"Marouane aurait pu être coureur de fond"
"Durant sa jeunesse, il n’a jamais été branché télé ou console de jeu. Il préfère lui-même jouer plutôt que de regarder un match à la télé, même une finale de Coupe du Monde. Plus jeune, il allait à l’école en courant. On allait aussi courir ensemble, moi sur un vélo et lui à pieds (sourire). S’il n’avait pas été footballeur, il aurait été coureur de fond."
Avec ses parents et ses deux frères (Hamza, 21 ans, et Mansour, 15 ans), Marouane se rend au Maroc quasi chaque année.
"Toute sa famille vit au Maroc , poursuit Abdellatif. J’ai huit frères et soeurs. Ma femme a une soeur et deux frères. Et ma soeur aînée a dix enfants. Nos enfants aiment aller au Maroc et n’oublient pas que leur sang est marocain. Mais après un mois, ils veulent revenir. Leurs amis, leurs habitudes sont ici. Ils sont Belges. Cela dit, nos coutumes sont restées marocaines. On mange marocain, on est musulman. À la maison, on parle marocain et français. On est bilingue." (sourire)
"J’aurais préféré qu’il choisisse le Maroc mais il n’a pas été convoqué"
"Sentimentalement, j’aurais préféré qu’il choisisse le Maroc. Mais comme il n’a pas été sélectionné... C’est lui qui a posé ce choix, c’est lui le joueur. Il est Belge, c’est une issue logique."
Abdellatif ne s’en cache pas : au départ, il a poussé Marouane à jouer avec les Lions de l’Atlas. "Lorsqu’il a eu 17 ans, je l’ai incité à rejoindre la sélection marocaine des moins de 20 ans en vue de la Coupe du Monde de la catégorie. Il a été retenu pour un match de préparation, contre les Pays-Bas, mais il n’est monté que 20 minutes alors que les Hollandais menaient déjà 3-0... Cela l’a vexé. Cela a orienté son choix. Le lendemain du match, à 10 h - j’étais encore dans mon lit -, j’ai reçu un coup de fil de la Fédération belge me demandant pourquoi Marouane avait joué avec le Maroc et a insisté pour qu’il reste dans les sélections belges."
Marouane n’a-t-il pas de regrets quand il compare les deux sélections A ? "Le Maroc est phénoménal. Mais dix joueurs de son équipe de base sont nés en Europe... La Belgique, c’est comme le Standard : une équipe d’avenir."
Ce soir, le père de Marouane Fellaini fera le déplacement au stade Roi Baudouin. Si son milieu de terrain de fils devait finalement déclarer forfait, Abdellatif Fellaini supporterait le Maroc.
Source : La Dernière Heure - D.D.M.