Le Maroc épinglé pour ses pesticides

24 mai 2007 - 11h52 - Belgique - Ecrit par : L.A

« Le Maroc doit améliorer le dispositif de contrôle des résidus de pesticides dans la menthe exportée sur le marché communautaire. Il doit également assurer un suivi systématique de toutes les notifications émises par le Système européen d’alerte rapide pour les denrées alimentaires qui portent sur les produits végétaux exportés ».

Le rapport de la première mission effectuée au Maroc de l’Office alimentaire et vétérinaire de la Commission portant sur les résidus de pesticides dans les denrées alimentaires d’origine végétale n’a pas manqué de pointer du doigt les faiblesses du système actuel des contrôles officiels au Maroc. Même si les enquêteurs observent le ton diplomatique d’usage, c’est-à-dire sans verser dans l’alarmisme, les conclusions du document dont L’Economiste a pu se procurer une copie, ne laissent aucun doute.

Malgré des efforts certains reconnus par les inspecteurs européens, Bruxelles ne manque pas de pointer les déficits en la matière. Des analyses sont bien faites au Maroc, des échantillons prélevés. Mais pas assez pour améliorer la traçabilité de nombreux pesticides utilisés par les producteurs nationaux. Une série de recommandations a été présentée aux autorités afin qu’elles prennent les mesures nécessaires pour modifier le cours des choses.

Codex alimentarius

Le rapport de la mission communautaire note tout d’abord le nombre limité d’échantillons prélevés sur le marché national pour détecter des résidus de pesticides. Autre grief : l’inexistence au Maroc de limites maximales de résidus (LMR). Ce qui nuit sérieusement, d’après les sources communautaires, au suivi des contrôles positifs. La procédure habituelle veut qu’en l’absence de LMR, les résultats soient tout simplement comparés aux LMR du Codex Alimentarius de la FAO et de l’OMS, une sorte de guide des bonnes pratiques et de normes en matière de sécurité alimentaire.

Le rapport de l’UE reconnaît que, dans l’ensemble, le dispositif de contrôle offre  l’autorité compétente, à savoir l’EACCE (l’Etablissement autonome de contrôle et de coordination des exportations), la possibilité d’interrompre les exportations après la détection d’un dépassement des LMR établies par l’Union européenne. Il souligne en revanche que cela ne lui permet pas d’empêcher l’exportation des lots concernés par le dépassement. Chaque année, l’EACCE établit un plan pour analyser la présence de résidus de pesticides dans des échantillons de produits alimentaires destinés à l’export. En 2005-2006, 1,39% des échantillons d’agrumes, 4,83% des fruits et légumes primeurs et 11,5% des échantillons de menthe excédaient les LMR des pays de destination.

Des lacunes ont également té constatées par les inspecteurs européens sur le plan de la tenue des registres relatifs à l’utilisation des produits phytosanitaires par les producteurs de menthe. En contradiction donc avec les prescriptions du règlement communautaire 852/2004, qui établit l’obligation de tenir des registres pour les denrées alimentaires importées dans l’UE. Au Maroc, il n’existe en fait qu’un registre officieux qui a été compilé par une organisation non gouvernementale non professionnelle. Aux yeux des inspecteurs européens, l’absence d’un registre officiel « rend très difficile le contrôle de la commercialisation et de l’utilisation des produits phytosanitaires au Maroc ».

Last but not least, au Maroc le contrôle des résidus de pesticides dans les denrées alimentaires destiné à l’export est régi par deux décrets qui remontent à la période coloniale : celui du 1er septembre 1944 portant sur les « contrôles techniques de la fabrication, le conditionnement et la qualité des produits destinés à l’exportation  et celui du 13 juillet 1948 sur « l’agrément des usines et installations de production, de transformation et de conditionnement des produits destinés à l’export. Les autorités compétentes marocaines ont assuré qu’un amendement du décret du 1er septembre 1944 est en voie d’adoption. Selon elles, un de ses effets principaux sera de contraindre les entreprises productrices à introduire un système d’autocontrôle et de traçabilité ainsi que des procédures de contrôles techniques à mener par l’EACCE.

Engagement des autorités compétentes marocaines

Suite à ces observations, les responsables de l’EACCE ont promis toute une série de mesures visant à renforcer leur système de contrôle. Parmi celles-ci, la mise en place d’une procédure de contrôle analytique spécifique à la menthe permettant en cas de non-conformité d’introduire l’opérateur (conditionneur-exportateur) dans une série d’étapes allant de la suspension des exportations des lots issus de son unité de conditionnement à la suspension de son agrément de conditionneur-exportateur. Le nombre des analyses sur la menthe sera lui aussi renforcé. L’EACCE rappelle que, suite aux mauvais résultats obtenus en 2005-2006 par les analyses d’échantillons de menthe, elle a décidé de tripler le nombre d’échantillons contrôlés (de 40 ils sont passés à 113) et pour la saison 2006-2007 elle prévoit d’en contrôler 200. « Ce plan de prélèvement pourrait être revu à la hausse en cas de risque, précisent les experts de l’EACCE. Parmi les autres mesures projetées, retenons aussi l’incitation des conditionneurs-exportateurs à renforcer leur système d’autocontrôle à la production et la généralisation de la mise en place des registres des traitements phytosanitaires au niveau de leurs unités de conditionnement ainsi que la sensibilisation des agriculteurs sur l’utilisation des pesticides.

L’EACCE souligne d’autre part que le processus de réévaluation et d’autorisation de mise sur le marché des produits phytosanitaires suit son cours. Ses travaux ont abouti à une réduction importante des autorisations qui passent de près de 2.000 produits en 2004 à quelque 760 à la fin de 2006.

12.000 tonnes importées

La grande majorité des pesticides fournis au Maroc vient de l’tranger. En 2005, le Maroc a importé quelque 12.000 tonnes de produits phytosanitaires, principalement des insecticides (39% du total), suivis des fongicides (35%), des herbicides et nématicides (11% chacun) puis des acaricides et divers (7%). Une cinquantaine de grossistes et d’importateurs se partagent le marché marocain des produits phytosanitaires. Regroupés dans deux organisations professionnelles, ces derniers revendent leurs produits à quelque 725 détaillants à travers le pays.

Silence radio aux notifications européennes

Le rapport de la mission communautaire relève par ailleurs que la communication des notifications du RASF (Système européen d’Alerte rapide pour les denrées alimentaires)(2) à l’EACCE n’est pas toujours suivie d’effet au Maroc.

Depuis l’an 2000 un total de 19 notifications au titre du RASF avaient alerté les autorités communautaires et marocaines sur la présence de résidus de pesticides dans des végétaux produits au Maroc. 8 de ces notifications portaient sur des fruits et légumes et 11 sur des herbes et des épices. Des notifications récentes de ce système, qui avaient révélé de fortes concentrations de résidus de pesticides et une absence de relevés des données sur les applications des pesticides dans le chef des producteurs de menthe marocains, seraient restées sans réponse satisfaisante de la part des autorités compétentes marocaines. Celles-ci sont donc invitées à mettre en œuvre un « suivi systématique de toutes les notifications émises par le système européen d’alerte rapide.

Appel apparemment reçu cinq sur cinq par Rabat : en concertation avec la délégation de la Commission européenne au Maroc, une nouvelle procédure de communication sera mise en œuvre. Désormais toute notification européenne relative aux produits végétaux frais sera envoyée directement dans les meilleurs délais, par la délégation de Rabat  à l’EACCE avec copie simultanée à la DPVCTRF (Direction de la protection des vgétaux, des contrôles techniques et de la répression des fraudes). En retour, la DPVCTRF devra envoyer à la délégation de la Commission à Rabat la réponse établie par l’EACCE aux dites notifications mentionnant les résultats des investigations menées sur le terrain et les mesures correctives adéquates entreprises.

L’Economiste - Aziz Ben Marzouq

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