Le Maroc est-il à vendre ?

12 février 2008 - 20h41 - Economie - Ecrit par : L.A

C’est un monde de rêve où l’on se déplace d’un petit palais de 15 pièces avec piscine dans la palmeraie de Marrakech à un hôtel particulier situé dans les hauteurs du Jbel Lkébir de Tanger. Un monde bien particulier peuplé de Limousines de luxe et de tenues de soirées conçues par les grands couturiers parisiens.

Oligarques saoudiens ? Stars d’Hollywood ?? Milliardaires américains ? Il y a un peu de tout dans ce magma de nouveaux propriétaires qui ont désormais pignon sur rue dans la plupart des quartiers chics des villes phares du Maroc. « Je suis un homme d’affaires australien et je cherche une villa à Marrakech. J’ai vu ce riad sur votre site Internet et je voudrais savoir s’(il) est encore à vendre. Pouvez-vous m’envoyer de plus amples détails avec photos...? ». Ce message est tombé dans la boîte électronique du propriétaire d’une agence immobilière de la ville ocre.

Des acheteurs de logements non-résidents au Maroc, les agents immobiliers, en voient défiler beaucoup. Un « quart des transactions conclues par notre agence », concerne des étrangers qui achètent un pied-à-terre à Marrakech, pour y séjourner quelques semaines par an. Dans le lot , on trouve des « Français, des Américains, des Italiens, des Anglais ou des Irlandais » .

Progression

Le phénomène des pied-à-terre haut de gamme fait désormais partie des dynamiques du marché immobilier marocain. Selon des notaires casablancais, une grande proportion de logements mis sur le marché dans des villes comme Marrakech, Tanger ou même Essaouira ont été vendus à des étrangers.

Cette progression témoigne d’une tendance. Elle fait planer au long cours le spectre de médinas traditionnelles complètement squattées par des étrangers. Un peu comme Venise que les habitants ont déserté, mis à la porte par les non-résidents fortunés qui ont acquis des logements qu’ils n’occupent que rarement, à l’occasion d’un bref passage. Mais une telle spirale guette-t-elle vraiment le Maroc, pays vaste où il reste quand même autre chose que Marrakech, Fès et Tanger ? Si un tel scénario reste difficile à imaginer ?, il n’en reste pas moins que le phénomène prend des dimensions préoccupantes non seulement dans les villes précitées mais de plus en plus dans des zones bien plus reculées.

Profil des acquéreurs ? Des industriels, des golden boys de la finance, des avocats d’affaires, des politiciens réputés, des diplomates... « Les acquéreurs étrangers ont d’autant plus la tâche facile, que l’envolée des prix de l’immobilier ne permet pas aux marocains de suivre », constate Larbi, un agent immobilier de Tétouan. Parce que là aussi la fièvre de l’immobilier est bien présente. Selon de nombreux observateurs locaux, la ruée vers les terrains encore disponibles a atteint des propositions incroyables. Entre Fadesa et Mixta qui se partagent les grosses affaires, un nombre incalculable d’intermédiaires battent campagne, n’hésitant pas à pointer des terrains situés dans des communes aussi reculées que celle de Oued Laou.

Sur cette fièvre bien particulière, la classe politique pratique la politique du « wait and see » quand, elle ne fait pas carrément des affaires. Il y a un mois de cela, un ministre du gouvernement El Fassi a réussi à empocher une somme rondelette après avoir facilité l’achat d’un terrain de plusieurs hectares à un groupe espagnol dans la province d’Asilah, à Briech, plus exactement. Pour les opérateurs du secteur, ces nombreux groupes étrangers qui se ruent sur des milliers d’ha un peu partout dans le Maroc ne représentent pas de danger immédiat à condition qu’ils soient logés à la même enseigne que leurs homologues marocains.

Pour Miloud Chaâbi, cette frénésie immobilière est somme toute normale, puisque tout le monde s’intéresse aujourd’hui au Maroc. « Cela ne me dérange pas que des groupes étrangers s’intéressent au secteur immobilier, qu’ils achètent des terres pour construire des ensembles touristiques et immobiliers. Les investissements étrangers sont bienvenus et ils devraient même être encouragés. C’est même l’un des endroits les plus sûrs et les plus attractifs du monde pour les investissements étrangers. Ce qui me dérange, c’est que l’on accorde à ces groupes des avantages inouïs sous prétexte qu’ils investissent dans le tourisme alors qu’en fin de compte, c’est juste 5 à 10 pour cent du projet qui sont consacrés à la construction d’entités touristiques » explique le magnat de l’immobilier.

Par contre, les riverains de ces nouveaux voisins ne sont pas toujours heureux de se retrouver face à ces « envahisseurs » . Les nouveaux acquéreurs entreprennent souvent des travaux titanesques sans se soucier de l’avis des anciens résidents. Les nouveaux propriétaires veulent de plus en plus d’aménagements et tout le confort moderne pour des maisons rustiques.

La folie des grandeurs met en péril les médinas. Il arrive même que des maisons s’effondrent. Selon les spécialistes de l’habitat, à Marrakech, les piscines, que les Européens s’obstinent, malgré l’interdiction, à construire en médina, sont à cet égard dangereuses : les bassins en béton, alourdis par l’eau, menacent de craquer à tout moment. Les conflits de voisinage ne manquent pas, les parties en conflit n’hésitent pas à porter leurs litiges devant les tribunaux de Marrakech. Le moins qu’on puisse exiger des pouvoirs publics, c’est qu’en matière d’investissement immobilier, il faut s’aligner sur ce qui se fait ailleurs. Même si la Grèce a ouvert ses portes, la législation grecque sur les terrains constructibles est particulièrement complexe pour cause de protection des littoraux, des forêts ou des sites archéologiques. Dans d’autres pays, les particularités du droit à la propriété peuvent aussi jouer des mauvais tours.

En Thaïlande, par exemple, alors que les investisseurs étrangers étaient exclus de la propriété foncière jusque-là, des mesures ont été prises depuis une dizaine d’années pour leur faciliter les choses.
Sauf que pour devenir propriétaire, seules certaines zones leur sont accessibles et à des conditions très restrictives. Dans ce pays, un étranger peut ainsi être propriétaire en nom propre d’un appartement dans un immeuble.

En revanche, pour l’acquisition d’un terrain, le montage d’une société est obligatoire. De quoi décourager les intermédiaires véreux et autres parrains de la mafia de l’immobilier !

Les nouveaux intermédiaires

À Marrakech, le métier d’agent immobilier n’est plus l’apanage des Marrakchis de souche. Les Français s’installent de plus en plus pour exercer le métier d’agent immobilier. Les nouveaux « semsares » rivalisent entre eux pour attirer le plus grand nombre de portefeuilles.

Leur cible principale est les étrangers qui désirent acheter un bien, vendre ou louer. À Marrakech, tout se vend et s’achète. Ces nouveaux semsares travaillent avec un réseau d’informateurs et de semsares locaux pour dénicher la perle rare. Ils proposent même un produit clé en main. Sur l’avenue Guelliz, on compte une dizaine d’enseignes.

Source : La vie éco - Abdellatif El Azizi

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Sujets associés : Immobilier - Investissement - Implantation - Immigration

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