Un « autre Maroc » découvert par des bénévoles français

20 juillet 2007 - 00h01 - France - Ecrit par : L.A

« Je connaissais le Maroc pour y être venu en tant que touriste, mais c’est la première fois que je suis confronté à la réalité sur le terrain. Ca n’a rien à voir avec ce que je m’imaginais », témoigne Théo, un jeune Français âgé de 22 ans, venu au Maroc en tant que bénévole dans le cadre d’une action humanitaire à Casablanca.

Pendant 20 jours, lui et ses 11 compagnons, âgés entre 15 et 23 ans, accompagnés de quatre adultes, ont investi Dar Bouazza, commune de Nouaceur, pour aider l’association Enfance Maghreb avenir (EMA), une association franco-marocaine dont la mission est de réhabiliter des écoles et des collèges ruraux.

« Notre objectif à travers ce voyage est de faire découvrir à ces jeunes une réalité qu’ils ne connaissent pas et un milieu différent … », explique Christian Catin, professeur en France et membre d’EMA. En effet, au lieu de loger dans de superbes hôtels 5 étoiles situés dans de belles avenues, nos jeunes dorment à même le sol dans des salles du collège Dar Bouazza, qui juste avant leur arrivée faisait peine à voir.

Celui-ci, qui accueillera dès la rentrée prochaine environ 2.300 élèves, attend depuis des années d’être rénové et réaménagé. « Cela fait 12 ans que je suis à la tête de cet établissement, souligne Mohamed Aâddoumi, directeur du collège. Et, pendant tout ce temps, on n’a pas arrêté de me promettre la construction de 8 classes supplémentaires. Jusqu’à aujourd’hui, il n’y a toujours rien de fait. Alors que nous avons un surplus d’élèves et juste 28 classes dont 8 équipées d’un laboratoire pour les accueillir.

En 2006/2007, nous avions 1.872 élèves ; mais étant donné le taux élevé d’échec, nous allons passer à 2.300 ». Aujourd’hui, grâce à l’action des jeunes et d’EMA, le collège dispose enfin d’une bibliothèque, d’une salle multimédia équipée d’ordinateurs et de classes en bonne et due forme. « A notre arrivée, on a été surpris de voir dans quel état étaient les salles de cours et les sanitaires. On s’est donc directement attelé à la tâche. On a repeint les salles, nettoyé les toilettes, remplacé les vitres cassées… », affirme Théo.

Son émotion à la vue de cet établissement et des environnements a été ressentie par tous ses compagnons. Mathieu, âgé de 22 ans, a lui aussi répondu à l’appel de l’association en France pour rejoindre cette campagne humanitaire. Lui aussi dit avoir été surpris de voir autant de bidonvilles : « Je pensais connaître la pauvreté pour l’avoir vue dans des quartiers défavorisés en France. Là-bas ,au moins, ils ont de l’eau courante, de l’électricité, de quoi manger… Ici, il n’y a rien ! Ceci dit, ce séjour va m’aider à relativiser et à voir les choses autrement. C’est donc une très belle expérience que je suis en train de vivre », dit-il.

En effet, sur la route qui mène à Dar Bouazza, la misère et la pauvreté côtoient les belles villas blanches. Les sachets en plastique noir jonchent le sol. Des odeurs noséabondes émanent des poubelles et des décharges éparpillées un peu partout… « L’autre jour, je suis tombé sur une décharge juste derrière le collège. Et là, j’ai aperçu un four en plein milieu des ordures, quand j’ai demandé des explications, les voisins m’ont dit que les gens qui ne disposaient pas de four chez eux s’en servaient pour cuire leurs aliments.

C’est choquant ! Je n’arrive même pas à imaginer comment ces personnes vivent. », poursuit Théo. Un autre aspect qui a surpris nos jeunes est le fait de voir des enfants travailler, des femmes qui s’occupent de tout pendant que leurs conjoints se prélassent sur les terrasses des cafés à boire leur « ness ness »…

Pourtant, rien de tout cela ne semble décourager nos jeunes. Dès 7 h du matin, ils sont réveillés et prêts à travailler. Munis de leurs pinceaux, seaux de peinture, balais, serpillières…, ils nettoient sans relâche les salles et les sanitaires, les repeignent, arrosent le jardin, plantent des arbres pour donner une vie à ce qui fait office de cour de récréation. Et tout ceci non-stop. D’ailleurs, même quand ils ont un moment de répit vers 14 h, heure du déjeuner, ils en redemandent.

« On vient de terminer une école qui est située à quelques kilomètres d’ici. Là, on ira à l’école Bguiriyine du côté de douar Rahma. Un mur de clôture a été construit, les classes ont été repeintes et ils nous restent à placer les étagères dans les salles et les équiper d’ordinateurs », explique Mathieu.

Toutefois, des questions, auxquelles ils ne trouvent pas de réponse, trottent dans leur tête. Ils se demandent si le travail qu’ils font aujourd’hui servira à quelque chose. Et s’il y aura un suivi de l’école afin que tous ces aménagements soient utilisés pour la bonne cause. « A Bguiriyine, par exemple, nous avons offert des placards mais toutes les portes ont été volées. La même chose pour les sanitaires. Donc là, nous sommes obligés de bien les visser et les bloquer.

Quand nous avons demandé des explications, nous nous sommes rendus compte qu’en fait les enseignants donnent leurs cours et s’en vont sans se soucier du reste. C’est pour cette raison que nous essayons de les sensibiliser pour qu’ils s’impliquent davantage », explique Najate Limet, présidente de l’association EMA.

Aujourd’hui, il reste juste une semaine à nos jeunes pour finir les chantiers, et avec ce qu’ils ont vu durant leur séjour, ils disent, tous, vouloir revenir plus souvent. D’autres, comme Théo qui vient d’obtenir son diplôme de coordinateur de programmes de développement au niveau national et international, pensent même à s’installer ici pour travailler dans le domaine du social. Peut-être trouveront-ils des réponses aux questions qui les tourmentent !

Les actions de EMA

Créée janvier 2006 en France, Enfance Maghreb avenir (EMA) a pour devise : « L’école est un droit et non pas un privilège ». « Notre travail consiste à créer et réaménager des établissements scolaires publics défavorisés dans les bidonvilles de Casablanca, en particulier dans la commune de Dar Bouazza, pour donner à chacun la possibilité d’y travailler, d’y lire, de s’ouvrir à toute forme d’expressions culturelles et de s’y documenter.

Pour cela, nous impliquons les directions des établissements, leurs enseignants et les parents d’élèves afin de maintenir les liens entre les enfants et leurs parents », explique Najate Limet, présidente de EMA.

Depuis sa création, différentes actions ont été menées sur le terrain. Le collège de Dar Bouazza a ainsi été réaménagé en même temps que l’école primaire Bguiriyine, située dans un des bidonvilles, de la commune de Dar Bouazza, Douar Rahma.

Au départ, celle-ci, composée de quatre classes pour 700 élèves, ne disposait ni de sanitaires, ni d’eau, ni d’électricité, ni de murs d’enceinte. Aujourd’hui, elle dispose de classes supplémentaires, d’un bloc de sanitaire, de murs de clôture, d’un réservoir d’eau potable, d’ordinateurs, de cour de récréation…

Pour réaliser ces travaux, l’association a prévu un budget de 50.000 DH par école. « Aujourd’hui, les chantiers sur lesquels nous avons travaillé entre 2006 et 2007 sont presque terminés, mais nous comptons maintenant les parrainer à 100%. Nous assurerons un suivi toutes les semaines.

Par ailleurs, nous venons d’entamer un partenariat avec l’école Ahmed Rachidi, qui a une capacité de 920 élèves, pour la réaménager également », souligne Najate Limet.

Le Matin - Dounia Z. Mseffer

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