De nombreux artistes marocains dénoncent l’avidité des organisateurs de festivals à s’accaparer du cachet du chanteur en échange de l’inscription de son nom à l’un des évènements d’été. Ils appellent le ministère de la Culture à intervenir.
Né à Casablanca en 1967, Magicnoor est un artiste complet, un touche-à-tout. Il est à la fois magicien, scénographe, comédien et artiste-peintre. Après vingt ans de voyages partout dans le monde couronnés par un succès incroyable, Magicnoor décide derevenir au Maroc pour partager ses passions avec le public marocain. Entretien.
Vous êtes magicien, illusionniste professionnel, pouvez-vous nous raconter votre parcours ?
C’est une histoire qui remonte jusqu’à mon enfance. J’étais très passionné par l’art en général et par la magie en particulier. Mais comme il n’y avait pas malheureusement des institutions où l’on pouvait apprendre ou exercer cet art, le seul endroit possible était la Halka ou quelques rares apparitions des magiciens à la télévision marocaine. Vers l’age de 12 ans, je suis tombé sur un vieux livre en arabe chez un marchand de livres anciens. C’est dans ce bouquin dont je ne me rappelle plus le titre, que j’ai puisé mes premiers secrets dans le domaine de la prestidigitation quoique la pratique de certains de ces secrets exige des accessoires qui n’existent pas au Maroc. Alors, j’ai essayé de développer une magie assez simple mais suffisante pour épater mon entourage et mes amis.
Après mes études à l’Ecole des beaux arts de Casablanca, j’ai intégré une chaîne hôtelière internationale où j’ai appris le métier de scénographe qui m’a permis de faire le tour du monde et rencontrer, par la même occasion, des magiciens de renommée internationale tels Jeff Mc Bride, Norbert Ferré, Jason Byrne, Nicholas Night entre autres. Mais c’est surtout ma rencontre avec le champion du monde canadien en magie Carl Cloutier en 1994 en Guadeloupe qui a bouleversé ma vie. Je crois que c’était pour moi un véritable choc émotionnel en ce sens qu’avec des objets de tous les jours, des pièces et des cartes, il arrivait à faire de petits miracles. Je peux dire que c’est grâce à lui que j’ai appris l’art de faire de la magie.
Mais que doit-on entendre par le mot « magie » ?
A mon sens, l’art de la magie consiste à produire des phénomènes extraordinaires qui sont en contradiction avec les lois de la nature. Et c’est depuis tout le temps dans la mesure où le magicien était à la fois le guérisseur, le chef de tribu et en général un faiseur de miracles. A la période de la renaissance, les magiciens étaient pourchassés parce qu’on les considérait comme des charlatans. Mais grâce à Robert Houdin au 19ème siècle que la magie a pu retrouver sa noblesse en faisant rupture avec la magie noire et en instituant une magie moderne ; celle qu’on appelle aujourd’hui la prestidigitation. C’est-à-dire faire des manipulations avec les mains en utilisant, quelquefois, depetits accessoires. Le but est de créer un moment magique partagé avec le public. D’autres magiciens tels le grand Harry Houdini connu pour ses évasions, Channing Pollock connu pour son numéro exclusif de colombes et cartes et Dai Vernon et Slaydini, ont popularisé le close-up ou la magie rapprochée. Après, dans les années 80, le fameux David Copperfield a fait disparaître la statue de liberté. Et dans les années 90, on a assisté à l’émergence de la magie de rue « magic street » avec David Blaine.
Vous avez dit que la prestidigitation recouvre plusieurs spécialités ; pouvez-vous nous en parler ?
Il faut tout d’abord distinguer entre la prestidigitation et l’illusion. Dans la première, il y a lieu de souligner que les mains sont plus rapides que l’œil sans pour autant utiliser de grands moyens tandis que dans la seconde, il s’agit d’utiliser des moyens techniques, électroniques, physiques et même des fois chimiques pour pouvoir créer de l’illusion. Il y a aussi le mentalisme, pickpocketisme, magie de salon, close-up, la grande illusion, etc.
En partant de votre expérience de magicien international, est-ce que partout dans le monde on perçoit la magie de la même manière ?
Pour bien préciser, un magicien ne jouit d’aucun pouvoir surnaturel. J’ai eu de la chance de voyager dans les quatre coins du monde et d’approfondir mes connaissances dans ce domaine en me nourrissant des expériences vécues par d’autres magiciens dont certains continuent de m’inspirer. D’emblée, mon but était de faire des spectacles qui puissent émerveiller le public en partageant pleinement ma passion avec lui et en l’invitant à un monde féerique et poétique avec tant d’émotions et de joie. Je suis persuadé que la magie ne doit aucunement être présentée comme un défi à l’intelligence des spectateurs ni mettre ces derniers dans un ring de boxe en cherchant à les pousser vers leurs propres limites. Je cherche à travers mon art à créer un moment convivial et sympathique avec le public. Pour moi, la magie c’est cette lumière qui brille dans les yeux émerveillés du public et non la technique utilisée par le magicien.
En revenant à votre question, je crois que la magie dans le monde entier apporte la joie et la bonne humeur. Néanmoins, il y a quelques exceptions comme pour le public africain où l’on prend, le plus souvent, le magicien pour un marabout. Et souvent le public marocain est sceptique envers le magicien mais une fois ce dernier mis en confiance, il devient merveilleux.
Que pouvez-vous nous dire sur le développement de la magie au Maroc ?
Pour le moment, je n’ai eu de contact qu’avec le magicien Baby Dahan qui a eu cette brillante idée de créer le Festival international de magie de Marrakech dont il est le président. C’est un magicien très charmant et très humain. Mais le problème, c’est que les magiciens au Maroc sont très peu nombreux, faute de magasins spécialisés dans les accessoires de magie. A quoi s’ajoute le coût élevé du matériel. Mais j’ai l’espoir de rencontrer d’autres magiciens pour créer un club comme c’est le cas en Europe et aux Etats-Unis.
Tout au long de votre parcours de magicien, j’imagine que vous avez dû vivre de nombreuses anecdotes ?
Effectivement, d’autant plus qu’il n’y a pas sur terre un seul magicien qui ne s’est pas retrouvé dans certains moments de sa vie devant des situations très comiques mais qui marquent profondément son parcours. Par exemple, au Sénégal j’étais affronté à un vrai marabout devant qui j’ai fait une simple démonstration de passe-passe avec une pièce. Et notre ami a été tellement surpris voire inquiété qu’il m’a surnommé de « marabout blanc ». Une autre fois en Sicile, un couple italien dont j’ai fait disparaître la bague d’alliance, laquelle s’est retrouvée dans mon portefeuille arrière attachée à mon porte-clé. Vers la fin de la soirée, le couple s’est disputé et l’épouse a dû croire que c’était un mauvais sort du magicien. Alors, le mari a passé une bonne moitié de la soirée à me chercher partout dans l’hôtel ; le matin, au petit déjeuner, en le croisant, il m’a demandé de lui retirer le mauvais sort. Pour m’en sortir, j’ai dû faire quelques gestes et murmurer des mots devant lui pour le tranquilliser. Et à la fin, ils étaient en harmonie.
Et qu’avez-vous fait au juste ?
Entre nous, il n’y avait ni sort, ni magie noire mais tout simplement une manipulation des mains qui a donné une illusion pure et simple !
On sait que vous êtes aussi scénographe et artiste-peintre, considérez-vous la magie comme un art ?
Pour moi, la magie est un art dans la mesure où l’aspect technique n’y représente que 10%. Le reste, c’est l’art de la présentation qui donne l’émotion et la valeur recherchée dans un spectacle de rêves et de poésie. Je crois que c’est l’atmosphère entourant la présentation qui fait de cette dernière un moment de symbiose avec le public. L’art de l’illusion fait appel à d’autres arts tels la danse, la musique, la lumière, etc. Robert Houdin avait dit « un magicien est un acteur qui joue le rôle du magicien ». Ceci dit, l’art magique est un échange entre l’acteur et le public, ce qui revient à dire que la magie est un art par excellence.
Que pouvez-vous nous dire sur les shows de magie ?
Je crois que le show doit être un divertissement en premier lieu. J’aime bien voir les gens sortir d’un spectacle en disant que c’était agréable et convivial au lieu de se sentir agressés ou touchés dans leur propre intelligence par les prouesses d’un magicien. Dans un show, il doit y avoir du mystère de l’humour, de la joie et pleine d’émotions. Par exemple à Las Vegas, il y a des méga-shows où l’on fait des choses extraordinaires avec des éléphants, des tigres blancs etc mais qui gardent toujours un côté imaginaire et féerique. Je crois que c’est très intéressant d’utiliser la comédie, la danse, une musique appropriée pour sortir de la réalité et voyager dans un monde fantastique qui est celui de la magie.
En ce qui me concerne, je prépare toujours des spectacles qui touchent tout le monde et particulièrement les enfants car un sourire d’un enfant n’a pas de prix.
Si un débutant dans le monde de la magie vous demande un conseil, que pourriez-vous lui dire ?
C’est très difficile de donner un conseil mais la règle générale, c’est qu’il faut avoir les notions du secret et travailler sérieusement.
Vos projets actuels et à venir au Maroc ?
Pour le moment, je viens juste de m’installer au Maroc après avoir fait le tour du monde pendant une vingtaine d’années et j’ai une forte volonté de participer au développement de la magie au pays. Dans ce sens, j’envisage d’organiser des shows dans tout le pays et je suis en train d’étudier plusieurs propositions de collaboration ici au Maroc.
Libération - Jaouad Benaissi
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