Les différents aspects de la culture gnaouie

13 novembre 2003 - 20h46 - Culture - Ecrit par :

Le terme gnaoua, ne se limite pas uniquement à la musique, étant un terme générique, cette expression regroupe plusieurs aspects de la "culture" gnaouie riche par son héritage africain, berbère et arabo-musulman. Ainsi, il inclut les membres animateurs de la confrérie comme les maîtres musiciens maâlem, les joueurs de crotales, les voyantes thérapeutes (tallaâte et chouwafate) et les adeptes affiliés à la confrérie.

La zaouia est un centre religieux et spirituel délimité dans l’espace. Il est généralement fondé par un saint (wali ou saleh) qui dans certains cas est le maître spirituel d’une confrérie. Si les gnaoua disposent d’une seule zaouia, il existe par ailleurs, dans d’autres villes du Royaume notamment à Marrakech, Salé, Fès, Casablanca ou Tanger des maisons considérées comme des zaouias par les membres et adeptes. Elles sont célèbres par les voyants et médiums de la confrérie qui y officient.

Tous les gnaouas , qu’ils soient berbérophones ou citadins, reconnaissent Sidna Bilal comme ancêtre. Originaire d’Ethiopie, Sidna Bilal est né en esclave à la Mecque. Il fut le compagnon du Prophète et on lui attribue le mérite d’être le second adulte, après le premier calife Abou Bakr Essidiq, a avoir embrassé l’Islam. Affranchi par Abou Bakr, il émigra à Médine avec le Prophète et l’accompagna dans toutes les opérations militaires. Il fut aussi le muezzin officiel dès que l’appel à la prière fut institué en l’an un de l’hégire. Il serait enterré à Alep en Syrie ou à Damas. Les gnaoua se réclament de Sidna Bilal comme leur ancêtre spirituel, auquel ils font remonter leurs pratiques. 

Les gnaoua, et notamment les voyantes-thérapeutes affiliées à la confrérie, entretiennent des rapports étroits avec des saints locaux pour bénéficier de leur appui, et dans certains cas, pour réunir les objets qui servent à la divination instrumentale et à la célébration du rite de possession. Comme, ils ne disposent pas d’un lieu saint où serait enterré leur maître fondateur auquel ils peuvent se rattacher suivant le modèle des confréries religieuses appartenant au soufisme ;les gnaoua ; ont donc élu dans toutes les villes du Maroc des saints et des sanctuaires où ils se rendent en pèlerinage, soit une fois par an, soit dans un but initiatique et thérapeutique. Ils participent également aux cérémonies religieuses des Aissaoua et des Hmadsha organisées dans leurs zaouias respectives.

Les musiciens ou maâlmine

Les pratiques rituelles, initiatiques et thérapeutiques des gnaoua sont animées et conduites par deux catégories d’intervenants qui sont les principaux membres de cette confrérie : les maîtres musiciens appelés maâlmine et leurs troupes, et les voyantes-thérapeutes.

Le maître musicien est le chef de sa troupe ; celle-ci se compose généralement de six à dix joueurs de crotales, d’un chanteur et diseur de paroles appelé harkssou, d’un "moqaddem" qui sert d’intermédiaire entre les musiciens et les commanditaires d’une célébration rituelle et d’un autre personnage important appelé "zoukay" qui a pour rôle d’assister le maâlem, les joueurs de crotales, la voyante-thérapeute ainsi que les danseurs pendant le rite de possession. Le maâlem anime les rites de possession organisés par les voyantes-thérapeutes de la confrérie et il les assiste dans la préparation des accessoires rituels, notamment à la veille de cette cérémonie rituelle.

Avant d’acquérir le statut de maâlem, le gnaoui passe par déférentes étapes : l’héritage, l’élection, la vocation, l’apprentissage, l’initiation et, enfin, la consécration.

Les voyantes-thérapeutes

Certaines femmes de la confrérie gnaoua, ainsi que certains hommes ont une activité professionnelle que l’on désigne en général par la notion de voyance. Cependant, il faut en distinguer :

• Ceux ou celles qui, selon la tradition africaine des gnaoua, sont des voyants-médiums appelés tallaâ pour les hommes, et tallaâte pour les femmes ; terme qui implique l’idée de monter tlaâ et désigne celui ou celle qui "fait monter les mlouk". Autrement dit, qui fait appel à la transe médiumnique pour pratiquer la divination pendant laquelle l’entité surnaturelle alliée (malk) monte en elle et parle par sa voix.
• Ceux ou celles qui pratiquent seulement la "divination par manipulation" d’objets divers et n’entrent pas en transe au cours des consultations : ce sont des voyants.

Une voyante-thérapeute est en mesure d’identifier les mlouk et de reconnaître leurs demandes par des procédés divinatoires de type instrumental.

Les termes de mlouk désignent les entités surnaturelles invoquées par les gnaoua dans leurs pratiques rituelles, thérapeutiques et divinatoires. Pour tous les membres et adeptes de la confrérie, les mlouk sont de nature djinnique. Ils sont répartis en mhalla, terme qui désigne un bataillon ou cohorte de soldats. Le maâlem invoque les mlouk à l’aide de son guenbri, par des devises chantées et en brûlant des encens pour les inviter à venir se présenter dans l’espace réservé aux danses de possession.

Les mlouk sont de sexe masculin ou féminin, musulmans ou juifs. Leur couleur correspond à leurs origines. Ainsi on distingue ; les mlouks de la mer (bahriyin) auxquels on attribue le bleu clair ; les célestes (samaouiyin), ont pour couleur le bleu foncé ; les mlouk de la forêt (rijal el ghaba), originaires d’Afrique, ont pour couleur le noir tout comme les mlouk appartenant à la cohorte de Sidi Mimoun, enfin les mlouk rouges (al homar), liés au sang et qui hantent les abattoirs, ont pour couleur le rouge. Le blanc et le vert, couleurs symboles de l’Islam sunnite, sont réservés aux saints invoqués, notamment Moulay Abdelkader Jilali et les Chorfa. Aux mlouk féminins sont attribuées trois couleurs : le jaune pour la coquetterie de Lala Mira, le rouge pour Lala Rkia pour sa capacité à guérir la ménorragie et le noir pour Lala Aïcha Kendisha à cause de son origine soudanaise. Les mlouks juifs qui sont parfois invoqués après la cohorte des mlouk féminins ont la couleur noire. Des fumigations d’encens de différents parfums accompagnent les invocations de ces mlouks, avec une préférence cependant pour le benjoin ou jaoui..

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