Christian Caujolle, le directeur de l’agence et de la galerie Vu, ne s’y est pas trompé : "Hicham Benohoud continue à s’affirmer comme un des rares artistes contemporains à vocation universelle des pays du Maghreb." Présentée aux côtés de ses puissants autoportraits, de clichés réalisés à Paris en 2003 et d’une vidéo conçue à l’école Le Fresnoy, la série "La salle de classe II" brosse un portrait de la société marocaine à mille lieues des clichés exotiques habituels. Il serait, pour autant, dommage de réduire cet ensemble à son seul aspect documentaire. Benohoud va au-delà pour composer des images en noir et blanc, frontales, dépouillées, dont la bouffonnerie sinistre, absurde et dérangeante renvoie à Beckett.
C’est en 1994 que Benohoud a commencé à photographier ses élèves. Professeur de dessin dans le collège d’un quartier populaire de Marrakech, sa ville natale, il profite de ses cours pour faire poser les adolescents dans de drôles de mises en scène. "La salle de classe II", dont émane une violence sourde, se révèle plus radicale.
Benohoud penche du côté de l’arte povera. Avec trois bouts de ficelle, des tables surélevées en guise de trucages, il saucissonne ses élèves, leur couvre la tête comme on l’a fait dans la prison d’Abou Ghraib en Irak, leur enserre le bras dans des tubes en papier. Sans jamais les ridiculiser. Derrière eux, les autres enfants, impassibles, continuent de travailler. Car il ne viendrait à personne l’idée de contester la parole du maître, pas plus que leurs frères aînés ne contestent celle du père, ou que le pays ne remet en question l’autorité suprême.
"La salle de classe II", Hicham Benohoud. Galerie Vu, 2, rue Jules-Cousin, Paris-4e. Mo Sully-Morland. Tél. : 01-53-01-85-81. Du mercredi au samedi de 14 heures à 19 heures et sur rendez-vous. Jusqu’au 3 mars.
Le Monde - Hélène Simon
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