Après un 10ᵉ anniversaire époustouflant, le Marrakech du rire fait une nouvelle pause. Jamel Debbouze et sa bande ne seront pas au rendez-vous cette année, selon le communiqué des organisateurs.
Personne ne peut y échapper : le phénomène Jamel Debbouze fait des ravages depuis une dizaine d’années et ne prend, au fil du temps, que plus d’ampleur encore. C’est sur cette tornade de rire que Guy Zilberstein s’est penché pour son essai baptisé Jamel, Dis-moi pas qu’c’est pas vrai. "Quand on évolue dans le milieu du cinéma aujourd’hui, on ne peut pas échapper à ce phénomène extraordinaire, ce phénomène Jamel qui est à la fois artistique, médiatique et un petit peu politique", nous confiait, hier, l’auteur.
"Son cas est assez unique aujourd’hui en France. Actuellement, il y a plein de gens qui font ce métier-là et qui sont en position très favorable : des fils et filles de..., qui ont été formés par des voies traditionnelles. Lui, ce n’est pas le cas. Pour lui, rien n’était gagné au départ. Il vient de banlieue, il est issu de l’immigration puisque, même s’il est né en France, ses parents sont marocains. Il n’a pas fait d’école de théâtre traditionnel, il vient de la ligue d’improvisation. Ce qui me touche, c’est l’énergie qu’il a déployée pour arriver là où il en est. Il a tout fait à la force de sa détermination et de son talent."
Admiratif du bonhomme, Guy Zilberstein n’a pas souhaité le rencontrer pour autant pour ne pas "avoir à faire valider son travail". Il a donc tourné autour en récoltant les confidences de Djamel Bensalah, qui a réalisé le film Le ciel, les oiseaux et... ta mère !, film qui a tout déclenché pour Jamel, Lorent Deutsch, qui y était son partenaire, ou encore Charles Nemes, qui réalisa le plus grand nombre d’épisodes de la série H.
À travers ces témoignages et grâce au travail de recherche de Zilberstein, le côté gamin de Jamel est parfois mis en lumière. L’humoriste l’a confié lui-même à l’époque : "Dans un resto calme, j’ai besoin de faire du bruit, je ne me tiens pas. Je ne peux pas m’empêcher non plus parfois de casser un carreau et de partir en courant." Il a, en outre, la fâcheuse habitude d’arriver en retard à ses rendez-vous. "Son professionnalisme s’exprime différemment, explique Guy Zilberstein. Il est d’une grande rigueur, d’un grand professionnalisme quand il tourne : il ne fait une prise que quand il est sûr de la qualité de ce qu’il va faire, de la qualité du texte qu’il n’hésite d’ailleurs pas à reprendre : il l’a fait en permanence dans H. Mais dans tout ce qui fait partie des conventions de la vie, il l’a évacué. En réalité, ça fait partie de sa manière de "prendre le pouvoir". C’est-à-dire qu’il arrive en retard mais en trente secondes, il a emballé tout le monde, il a un charme fou, il est rapide, intelligent. Ça n’a pas d’incidence sur la qualité de son travail. C’est un peu sa marque de fabrique, son identité."
Tout comme son handicap fait partie de lui et dont Guy Zilberstein écrit : "Au début, personne ne se rendait compte de son handicap et aujourd’hui, tout le monde l’a oublié." "Il a surmonté ce handicap, qui est une vraie pénalité : au cinéma, il faut bien faire avec, et puis dans la vie, c’est difficile à supporter. Ce n’est pas quelque chose qu’on oublie. Les gens qui le connaissent savent que ça lui est rappelé en permanence par la douleur, la souffrance. Mais il l’a surmonté, j’en suis absolument convaincu."
On évoque alors ses prises de position. "Il est très intelligent et comme tous les gens qui le sont, il a une conscience et il a besoin qu’elle s’exprime. Il y a des choses qui le révoltent authentiquement. Et les causes qu’il a épousées sont des causes très transversales. Il parle de la démocratie, du respect des autres, de l’égalité des chances... Ça parle à tout le monde. C’est une grande force qu’il a : il ne s’est pas enfermé dans le communautarisme. Il a épousé, sincèrement - c’est un mot très important chez lui : il est sincère - des causes justes et il en parle très bien. Avec la même énergie et le même humour que celui qu’il a quand il fait ses sketches."
Enfin, Guy Zilberstein assure que Jamel souhaite, plus que tout aujourd’hui, "peu à peu quitter son habit de comique pour devenir un comédien à part entière." C’est plutôt bien parti...
Jamel, Dis-moi pas qu’c’est pas vrai, Guy Zilberstein (J.-C. Gawsewitch Editeur)
Déborah Laurent - La Dernière Heure
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