Festival des musiques du désert : culture ancestrale et originalité musicale

22 septembre 2003 - 09h29 - Culture - Ecrit par :

Ksar El Fida a vibré vendredi soir au rythme de la musique saharienne et africaine. Le public venu nombreux a été au rendez-vous avec le Malien Cheikh Tidiane Seck, l’Algérien Bali Othmani et les Marocains El Batoul Marouani et Saïd Chraïbi.
Le chanteur malien s’était produit il y a une dizaine d’années à Casablanca, Tanger, Capo Negro, Fès, Meknès et à Essaouira.

En demandant à Cheikh Tidiane Seck de nous donner ses premières impressions sur le festival, il a vite répondu que « le Maroc est ma seconde patrie. Le Festival des musiques du désert est un festival qui me tient énormément à cœur puisque je viens du Mali.

Je suis donc sensible à tout ce qui est promotion ou éveil des gens sur le désert en tant que paradis et lieu de recueillement. Je vous parle du désert en tant qu’espace vivable où l’être humain puisse vivre, car la soif de vivre existe dans ce milieu naturel extrêmement intéressant. Au niveau de la musique, le désert a besoin de cette spiritualité ».

A noter que Cheikh Tidiane Seck est professeur de musique aux Etats-Unis et en France. « Je concilie tout cela par réflexe de l’enseignant que je suis. J’ai enseigné la peinture au lycée pendant quatre années au Mali. En même temps, je jouais dans des groupes de musique très célèbres comme celui de Mory Kanté et dans les grands hôtels. Je menais déjà une triple vie. La vie de musicien, d’enseignant et de collaborateur avec les autres. Cette situation me permet d’avoir un langage universel ». La musique de Cheikh Tidiane est très simple car elle repose sur un langage que le groupe des musiciens qui l’accompagne connaît très bien. L’improvisation ordonnée cède la place à la spontanéité.

Né à Segou (Mali), en 1953, Seck a appris, durant toute son enfance, les traditions de sa culture natale par sa mère, chanteuse. Adolescent, c’est tout d’abord vers les arts plastiques qu’il se dirige. Il étudie à l’Institut national des arts dont il sort diplômé afin d’enseigner la musique et la peinture. Parallèlement, il est organiste du fameux Super Rail Band de Bamako, aux côtés de Mory Kanté et Salif Keita.
De 1979 à 1982, il s’exile en Côte d’Ivoire et y crée son premier groupe « Les Asselars, tout en étant à la fois le pianiste des Ambassadeurs et celui de Mory Kanté ». L’éclatement des « Asselars », en 1983, lui permet d’être disponible pour une tournée africaine et française avec les « Ambassadeurs », groupe qui se séparera en 1985, date à laquelle il s’exile de nouveau, cette fois à Paris, et participe activement au développement de la scène africaine à Paris.

Durant les années 80, il collabore avec Salif Keïta, dont le mémorable album Soro. « A cette même époque, il écrit les arrangements du LP de la chanteuse grecque Heleni Dimou, qui obtient un disque d’or chez CBS Grèce.
De janvier à mars 2000, il a été invité par l’Université de Californie-Los Angeles (UCLA) comme artiste-en-résidence au sein du département de Musique pour enseigner sur le thème « Rencontre entre la musique ouest-africaine et le jazz ». Sur sa musique, le Nigérien Mamar Kassey témoigne que « il a inversé les données musicales qu’il connaît très bien. Nous le connaissons depuis notre enfance et nous savons qu’il fait de très belles choses. Sa musique repose sur la culture ancestrale qui est la source de notre originalité musicale ».

Venu de l’Algérie, Baly Othmani se pose la question suivante : « Qui a dit que le désert est silencieux ? Il répond que le désert nous apprend que le silence parle.
Baly entendit le bruit de pas sur le sable et celui du sable qui bouge. Il en fit sa musique. En jouant, il se rendit compte que sa musique calmait, berçait et il en était fier. Il fit des études et se destina à la médecine et aujourd’hui à 50 ans, ajoute à son art et à la musique moderne, la musicothérapie.

Baly parcourt le monde avec son luth mais toujours accompagné de sa mère et de quelques membres de sa famille qui composent son groupe, chacun selon son talent. Il veut transporter son petit désert avec lui pour le présenter à son public.
Un concert de Baly n’est pas un simple concert musical mais devient un voyage , une thérapie, un éloge à la mère nourricière ou à la mère-patrie ou à toute passion. Son jeu de luth est particulier et son chant langoureux, mélancolique se transforme parfois en joie et vivacité. Les festivals d’Europe, au Canada, en Amérique, ne peuvent remplacer sa plus belle scène : la dune du Hoggar où il essaie au son de son luth de subjuguer les milliards d’étoiles du ciel saharien. L’Algérien Bali Othmani a jugé que « pour une première organisation, le festival est une réussite.

J’espère qu’il ne sera pas ni le premier ni le dernier. Je souhaite qu’il y aura une continuité qui permettra de rapprocher les peuples des pays limitrophes du désert Ksar. On en a vraiment besoin. Parce que ce n’est qu’avec la musique, une belle voix, un bon poème qu’on arrive à éviter la mort des enfants et des innocents ».
C’est dans ce sens là que Ben Abdelmoudnib Bassou Oujabbour, poète amazighi et fils de la région, a composé une nouvelle poésie intitulée « Tahidus », dans laquelle il fustige le terrorisme et prône la coexistence des peuples quelle que soit leur religion. Pour lui, « le terrorisme n’a pas sa place dans la société marocaine, car tout le monde a le droit d’être différent de l’autre. L’humanisme dépasse la religion de chacun. A la fin, nous sommes tous les fils d’Adam et d’Eve ».

Par ailleurs et au cours de notre randonnée dans le Ksar El Fida, nous avons pu rencontrer Jordan Longtui qui organise avec William Perkins, directeur artistique du festival, un certain nombre de conventions et d’événements en France et à l’étranger. Pour lui, le Festival des musiques du désert est un magnifique festival qui est appelé à perdurer. Ksar El Fida où le festival a fait vibré les festivaliers et les habitants de la région est situé à quelque 4 km au nord-est de la ville de Rissani. C’est à la fois le plus important et le plus ancien des ksours Alaouites du Tafilalet. Restauré depuis peu, il offre une atmosphère riche et forte grâce à de longs couloirs sublimes, des gravures, des toits et des plafonds riches en peinture et en sculpture.

Une première au Maroc : les différents concerts sont retransmis tous les soirs en direct aux habitants de la région. Un écran géant est installé sur les grandes places des villes d’Errachidia, Erfoud, Rissani et au village de Merzouga.
La dimension acoustique, très importante dans ce genre de musique est scrupuleusement respectée grâce à du matériel technique de grande qualité.

Les organisateurs ont tenu à faire partager les émotions pures que procurent ces musiques originelles en créant une programmation qui lie rythmes forts, instruments aux sons purs et voix d’une grande rareté. Dans le village de Merzouga connu par ses célèbres dunes, tous les musiciens participant devront animer en plein désert une soirée musicale de clôture du festival, qui durera toute la nuit de samedi à dimanche. Tôt le matin, les festivaliers vont devoir observer le lever de soleil. A signaler que dans les dunes de Merzouga, près d’Erfoud, l’erg Chebbi et ses dunes– dont certaines atteignent des hauteurs de plus de 250 mètres - offrent tous les jours un spectacle naturel d’une rare beauté.

El Mahjoub Rouane pour lematin.ma

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