Un incident a marqué l’ouverture du festival Mawazine à Rabat. La chanteuse égyptienne Angham a été victime d’une confusion de noms lors d’une interview avec une journaliste, qui l’a appelée par le nom de la chanteuse émiratie Ahlam.
En marge des concerts de musique et autres festivités artistiques, le Festival d’Essaouira gnaoua, musiques du monde, a été marqué hier par la tenue d’un important colloque sur le thème de la « Culture, ouverture et modernité ».
A elle seule, une telle problématique peut paraître ambitieuse et quelque peu présomptueuse. Mais, abordée dans un cadre aussi convivial, elle a gagné en rigueur et en sérénité. Si l’on ajoute le parterre prestigieux de personnalités qui en ont débattu pendant quelque quatre heures à l’hôtel des Iles, on comprendra, en effet, la dimension de moment d’échanges transformé en événement.
Car la réflexion sur la culture, la démocratie, l’ouverture et la modernité a constitué une étape privilégiée du débat, passionné, vif et conséquent. De l’avis des participants, rare aura été un débat aussi profond, intense, diversifié et qualitatif. D’abord, les personnalités présentes : MM. André Azoulay, conseiller de S.M. le Roi ; Nabil Benabdallah, ministre de la Communication ; Mohamed Achâari, ministre de la Culture ; Abdallah Saaf, ancien ministre de l’Education nationale ; Rajae Benchemsi, Mohamed Bennis, poète ; Jalil Bennani, psychanalyste.
M. Nabil Benabdallah a souligné que le thème de « Culture, ouverture et modernité » colle à une réalité présente qui, intervenant après les événements tragiques du 16 mai, donne tout son poids à un colloque organisé sous le signe d’une réponse collective de la société marocaine.
« Il est évident, a-t-il souligné, que la culture et l’ouverture sont les éléments constitutifs du projet de société que S.M. le Roi met en œuvre. Aujourd‚hui, nos élites ont besoin de reprendre le champ des idées et de transformer la réflexion en une volonté politique conséquente ».
M. André Azoulay, qui a pris la parole pour donner le coup d’envoi au colloque, a précisé d’emblée que « la démarche entreprise ici n’est pas une démarche de luxe, rhétorique ou intellectuelle.
Aujourd’hui, chacun devra réfléchir sur le thème que nous abordons parce qu’il procède d’une logique où les événements tragiques du 16 mai pourraient constituer le point de départ. Quelle est la place de la culture ? Celle-ci n’est-elle pas la meilleure réponse à cette barbarie ? Le thème de notre colloque n’est pas un thème de circonstance, il est ce qu’on peut qualifier de rapprochement des hommes. Notre modernité n’est pas un concept abstrait. »
Analysant ensuite la vocation cosmopolite - donc ouverte - de la ville
d’Essaouira, André Azoulay a rappelé que les langues parlées à Essaouira
illustrent incontestablement un brassage où références musulmane, juive et
chrétienne se conjuguent pour donner un parler que seuls les Souiris ont su
intégrer, assimiler et dont ils peuvent s’enorgueillir comme d’une culture propre à la ville. Il a ensuite mis en relief le concept de vérité, applicable aux langues, aux religions et aux sons et images. La vérité, qui n’est pas un concept fétiche mais bel et bien une réalité tangible qui traduit la prise de conscience à la fois d’une transformation de la ville et des enjeux que celle-ci implique. « On se sent encore plus fort, a dit André Azoulay, après le 16 mai car il faut aller plus loin et plus fort dans la prise de conscience ».Succédant au conseiller de S.M. le Roi, Jalil Bennani, psychanalyste s’est appliqué en véritable sondeur sociétal à analyser deux concepts essentiels : l’amour et la haine. Deux dimensions non pas antinomiques mais à la limite complémentaires. « L’individu, soutient-il s’exprime dans le groupe, il y retrouve identité et expression sociale, il y est partie prenante. La psychanalyse est légitime parce qu’elle intervient, certes, dans le domaine du privé qui est celui de la cure, mais aussi dans l’espace social où la violence, la haine et bien sûr l’amour s’entrecroisent dans ce qu‚on appelle la rupture du lien social. »
Jalil Bennani s’est employé ensuite à mettre en exergue le concept de civilité qui est au cœur de la modernité, parce que fondée sur la tolérance et le respect de l’autre. Pour lui, seule une démarche inspirée de l’amour et du respect de l’autre peut faire barrage aux violences et répondre aux interrogations fondamentales que tout un chacun se pose.
Mme Rajae Benchemsi, quant à elle s’est fait forte de rappeler qu’au temps de
l’Andalousie, la créativité était féconde et s’inspirait d’une réalité politique et culturelle où les trois religions, Islam, Judaïsme et Christianisme cohabitaient allégrement. Abdallah Saaf s’est attaché, lui, à mettre en évidence la dimension politique de la modernité avec ses paramètres divers.
Le débat, dirigé par Nabil Benabdallah, a été marqué par une merveilleuse
intervention de Mohamed Achâari sur la culture, bien sûr, mais sur la nécessité de procéder à un nécessaire aggiornamento d’une pensée sur la relation avec la culture islamique. « Essayons, a-t-il dit, de dépasser le fossé entre le texte et le quotidien. Il s’agit de construire la modernité avec la culture et de revoir le rapport, notre rapport discursif à l’Islam ». De son côté M. Mohamed Hassad, wali de Marrakech s’est dit convaincu que la culture c’est d’abord l’ouverture et l’apprentissage de l’Autre. En militant de l’ouverture et de l’universalisme, Mohamed Hassad a rappelé que seule une culture de dialogue, conjuguée à une prise de conscience du vécu quotidien des citoyens, peut être le rempart contre la barbarie.
La culture aura été, en cette journée de vendredi 27 juin, l’autre miroir du
festival d’Essaouira qui a fait de l’ouverture vers l’Autre la grande fenêtre de la modernité marocaine.
Hassan Alaoui pour Lematin.ma
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