Faut-il miser sur le tourisme de luxe ?

13 mars 2007 - 00h00 - Economie - Ecrit par : L.A

Le tourisme de luxe est certes très rémunérateur. Mais il demande aussi des investissements colossaux et il demeure facilement influençable par des données extérieures.

Ils sont acteurs de cinéma, stars de show business, richissimes hommes d’affaires, princes, chefs d’Etat et hommes politiques célèbres. Lorsque tout ce beau monde vient au Maroc, Marrakech caracole toujours en tête de leurs destinations préférées où ils viennent pour décrocher pendant quelques jours, mais surtout pour dépenser d’importantes sommes d’argent.

Alain Delon, Johnny Hallyday, Jamal Debbouze ou encore le prince Waleed Ibn Talal font partie de ces célébrités mondiales qui débarquent à bord de leur jet privé et s’installent pour quelques jours dans la ville marocaine aux mille et une nuits où le faste et le luxe côtoient la fête et la bonne ambiance. Pour la plupart, ils séjournent dans le majestueux palace la Mamounia, un magnifique espace touristique qui reflète la magie d’un luxe jamais pris en défaut. Depuis sa fermeture, en juillet 2006, pour se refaire une beauté, le tourisme de luxe s’est un peu tassé au Maroc, mais pas pour longtemps, promettent les professionnels. Avec ses 171 luxueuses chambres, 56 suites considérées parmi les plus magiques au monde et 3 villas, le Mamounia qui avait accueilli en son sein d’illustres personnages comme Winston Churchill, Franklin Roosevelt, Charles De Gaulle ou encore Édith Piaf, prévoit sa réouverture en été 2007, promettant à sa prestigieuse clientèle encore plus de luxe et de confort inégalable.

Ville touristique par excellence, Marrakech offre également à cette clientèle fortunée mais exigeante des endroits de rêve symbolisés par des riads luxueux et des maisons d’hôtes au charme envoûtant, achetés à prix d’or par plusieurs touristes étrangers, surtout français, qui les retapent entièrement pour en faire des mini paradis sur terre. Le luxe se trouve aussi dans les terrains de golf souvent garnis par des pelouses agréablement praticables où une clientèle triée sur le volet préfère passer une bonne partie de son temps de vacances, joignant ainsi l’utile à agréable.

Mais que signifie en réalité ce tourisme de luxe encore très peu exploité au Maroc, mais qui commence à se développer au pont d’être désormais un segment à part entière auquel certaines chaînes hôtelières internationales s’intéressent, dont le groupe français Barrière, qui vient d’annoncer la création d’un palace touristique de grand luxe à Marrakech.

Ce tourisme de luxe-là, on pourrait en parler comme d’un pléonasme. Voyager est pour la plupart de nos Marocains un luxe. Pour d’autres, les grands habitués du voyage, c’est un quotidien, voire carrément une corvée. Si la définition du luxe est ce qui a un rapport avec « la magnificence, l’éclat déployé dans les biens, la parure, le mode de vie dispendieux, l’abondance de choses somptueuses », il n’en demeure pas moins que chacun voit le luxe à sa façon. Ce qui l’est pour les uns ne l’est pas forcément pour les autres. La perception que chacun s’en fait est donc relative.

Mais, quoi qu’il en soit, le tourisme de luxe correspond souvent –si ce n’est toujours- à des lieux hors normes à forte imprégnation culturelle, associant un service irréprochable et personnalisé, du charme et quelque chose de rarissime, le tout facturé à des tarifs élevés. Le luxe existe dans presque tous les secteurs touristiques : des hôtels, des résidences, des restaurants, des bateaux de croisière, des locations de voitures ou de chalets, des places d’avion et des visites guidées de villes. Parfois le luxe est ostentatoire, ce qui est fréquent dans le tourisme. Parfois il est plus discret. Mais, toujours est-il, les opérateurs dans le haut de gamme ne représentent qu’une petite partie de l’offre, ce qui les distingue. Le luxe se reconnaît surtout par des prix élevés, même si ce n’est pas toujours synonyme de prestations de grande qualité.

Ce haut de gamme fait rêver, stimule l’esprit. Mais s’il est le secteur le plus emblématique de l’univers touristique, il en est aussi le plus problématique. Il est constamment secoué par un grand nombre de handicaps exogènes contre lesquels il peine à lutter. On ne peut que constater les effets désastreux de ces « interférences » pour son économie. Une multitude d’aléas qui frappent le monde le touchent directement, car le tourisme de luxe est avant tout international : récession économique, insécurité, psychoses et crises politiques. Toute mauvaise nouvelle qui tombe ici et là et qui crée de l’inquiétude fait immédiatement trébucher le haut de gamme. Mais le déséquilibre de la parité monétaire affecte directement le haut de gamme. Un dollar faible ou un euro faible signifie le plus souvent moins de clients pour le tourisme de luxe Marocain.

Quand la demande touristique s’effondre, c’est toujours ce dernier qui se trouve en première ligne pour prendre les coups. Au-delà de la conjoncture, le secteur du luxe a connu de grands bouleversements pendant ces dernières années. D’une clientèle relativement homogène, régulière et prévisible, le ciblage s’est considérablement élargi, par nécessité et par changement de mœurs. Si on dénombre plus de 500 milliardaires dans le monde et 30 millions de personnes aisées qui possèdent plus de 850.000 dollars de revenus (un chiffre qui devrait doubler d’ici cinq ans, pensent les analystes bien inspirés), l’industrie touristique de luxe doit compter sur un apport plus diversifié de clientèle.

S’il existe toujours une minorité de richissimes qui dépensent sans compter, ce cœur de cible est loin de permettre au marché de fonctionner correctement. Les entreprises, par leurs conventions internationales et leurs voyages d’affaires, alimentent le haut de gamme. On s’attend aussi à une déferlante de Chinois aisés, mais aussi de Sud-Américains, ou d’Indiens. C’est un espoir de renouveau, notamment pour combler les baisses de la demande traditionnelle émanant des Américains, des fortunés du Golfe et des Japonais, mais qui aura un effet encore inconnu sur l’offre et son évolution.

Cette mondialisation que vit le tourisme de luxe, laquelle s’accentue d’année en année, pose aussi le problème de l’inflation en investissements auxquels doivent désormais se soumettre les prestataires. Souffrant d’être constamment comparés avec une concurrence située à l’autre bout de la planète, les opérateurs sont contraints à être au paroxysme du raffinement, à la pointe de la technologie, à l’apogée de la qualité. Rien que les budgets de rénovations hors normes de nos palaces casablancais et marrakchis, durant ces dernières années, qui se sont comptés en centaines de millions de dirhams, l’attestent. Et le coût par client reçu est de plus en plus élevé et demande des engagements financiers rarement rentabilisés ou rentabilisables. Quasiment toutes les branches du tourisme de luxe sont concernées par ce phénomène inflationniste : l’hôtellerie, la restauration, le tourisme de santé et la croisière. À ces investissements exorbitants, il faut ajouter également le prix de la main d’œuvre, en perpétuelle augmentation, dans un des seuls pôles touristiques qui emploie non seulement du personnel, mais surtout parmi le plus qualifié. D’autant que l’activité vit désormais des cycles irréguliers et imprévisibles. Les entreprises qui exercent le tourisme de luxe ne sont pas des entreprises comme les autres. « Par essence, c’est un segment atomisé et peu organisé », estime un professionnel.

Le tourisme de luxe, avec sa clientèle volatile, endure aussi d’autres maux structurels. C’est un domaine où l’on cultive le secret absolu et où les chiffres pour mesurer son poids économique n’existent pratiquement pas. D’où la grande difficulté d’en mesurer l’importance.

Maroc Hebdo - A. Amourag

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