Le couple emblématique du cinéma marocain, Farah El Fassi et Omar Lotfi, a officiellement divorcé. La nouvelle, largement relayée sur les réseaux sociaux, a été confirmée par une source proche de l’actrice.
Depuis plusieurs années, les films marocains attirent bien plus de spectateurs que les superproductions internationales. Mais ils sont très loin d’être rentables. Eclairage.
“J’ai gagné plus d’argent comme technicien sur des tournages en Europe qu’en tant que réalisateur au Maroc”, affirme Ahmed Boulane, dont le deuxième long-métrage, Les Anges de Satan, était en tête du box-office national en 2007, avec 80.000 entrées. A l’époque, le film - qui a coûté 5 millions de dirhams - a engrangé 1,8 million de dirhams
de bénéfices. “Après avoir payé toutes mes dettes, il ne me restait plus rien en poche, même pas de quoi rembourser au Centre cinématographique marocain (CCM) l’avance de 2 millions de dirhams qu’il m’avait octroyée”, poursuit le réalisateur. Mais Boulane n’est pas le seul à être dans cette situation, bien au contraire. “Les recettes rapportées par mon film n’ont même pas suffi à rembourser ce que m’ont coûté ses copies sous-titrées. Il n’y a vraiment personne au Maroc qui peut affirmer qu’il a récupéré plus de 20 ou 30% du coût réel de son film”, déplore Latif Lahlou, réalisateur des Jardins de Samira, le troisième film marocain le plus vu en 2008, qui a également bénéficié d’une avance sur recettes.
Le fonds d’aide du CCM, créé en 2004, a bénéficié à la plupart des films, une dizaine pour 2008 avec une enveloppe globale de 60 millions de dirhams. Un montant équivalent aux 2/3 du budget d’un long-métrage peut être débloqué. Mais chaque année, seule une poignée de réalisateurs arrive à rembourser une part du montant perçu. Bénéficiaire d’une avance de 2 millions de dirhams, Islamour de Saâd Chraïbi n’a rapporté, après trois mois d’exploitation, que 57.000 DH à ses producteurs, dont 50% ont été reversés au CCM.
Débuts difficiles
“Aucun film marocain, jusqu’à présent, n’a pu rembourser la totalité de ce qu’on lui a avancé. Mais ce n’est pas si grave, ce n’est pas le but du jeu. Nous sommes là tout d’abord pour encourager la production nationale”, explique Noureddine Saïl, le directeur du CCM. Fort heureusement, puisque les sources de financement de longs-métrages au Maroc ne sont pas diversifiées. La coproduction avec des chaînes de télévision nationales ou étrangères permet aux réalisateurs de récolter quelques fonds. Quant aux rares sociétés de production qui prennent le risque de se lancer dans le cinéma, elles se contentent généralement de mettre leur matériel et leurs ressources humaines au service du réalisateur avec lequel elles travaillent, sans mettre réellement la main à la poche.
Beaucoup de réalisateurs finissent donc par produire eux-mêmes leur film. “C’est effectivement l’une des spécificités du cinéma marocain, qui est loin d’être positive. Porter les deux chapeaux demande beaucoup d’énergie, et souvent l’une des deux fonctions est négligée aux dépens de l’autre”, analyse Latif Lahlou, également président du Groupement des auteurs, réalisateurs et producteurs marocains.
Pour l’amour du 7ème art
Lorsqu’un film marocain réussit finalement à attirer des spectateurs en masse lors de sa sortie, les exploitants de salles de cinéma sont les premiers à s’en réjouir. “Le succès de Casanegra a été si fulgurant qu’il nous a permis de sauver financièrement les premiers mois de 2009”, explique Mounia Laâyadi, patronne du cinéma Colisée de Marrakech. Pas étonnant, vu que les exploitants gardent en moyenne 50% des recettes enregistrées au guichet de leurs salles. Le reste revient aux producteurs, qui reversent jusqu’à 20% de cette somme aux sociétés de distribution, chargées de diffuser le film dans le maximum de salles obscures.
“Lorsque je me suis lancé dans ce domaine en 1993, beaucoup de personnes pensaient que j’allais faire faillite. Mais le temps leur a donné tort”, se rappelle Najib Benkirane, l’un des anciens distributeurs du marché national, qui s’est occupé d’Un amour à Casablanca de Abdelkader Lagtaâ, d’A la recherche du mari de ma femme de Mohamed Abderrahman Tazi, ou encore de Mektoub de Nabil Ayouch. Actuellement, l’exploitation des films marocains est même plus rentable que celles des films étrangers, puisque les premiers attirent généralement des familles au complet et qu’ils sont très difficiles à trouver en DVD.
Mais pour le plus grand malheur des producteurs, les sociétés de distributions marocaines ne prennent pas en charge, comme dans la plupart des pays étrangers, les impressions d’affiches, l’organisation des avant-premières ou les copies des films qui servent à la projection dans les quatre coins du pays. Et ce n’est pas une mince affaire. Dans le cas de Casanegra par exemple, dix copies ont été réalisées par les producteurs à 18.000 DH pièce. A l’instar de la totalité des films marocains, le dernier long-métrage de Noureddine Lakhmari (qui a coûté 13 millions de dirhams) ne rentra pas dans ses frais.
Mais les réalisateurs ont compris la donne, et s’octroient dès le début un cachet, inscrit dans le budget du film. Beaucoup d’entre eux travaillent donc le reste de l’année pour la télévision, ou exercent carrément des professions en dehors du 7ème art. Hassan Benjelloun (La chambre noire), par exemple, est pharmacien, Daoud Oulad Syad (En attendant Pasolini) est professeur universitaire. “Je continue à travailler dans ce domaine parce que j’aime cela. Gagner de l’argent n’a aucune importance. Voir le public plébisciter mon film est la plus belle récompense”, explique Ahmed Boulane. “La reconnaissance qu’offre la présence de nos œuvres dans des festivals étrangers nous apporte plus que les quelques millions de dirhams de recettes”, renchérit Latif Lahlou. Et les films marocains se défendent bien. Chacun est en moyenne dans 20 festivals internationaux, des Etats-Unis à l’Inde en passant par l’Italie. Et ils reviennent très souvent avec des récompenses dans leurs valises. Le tableau n’est donc pas si noir.
Télévision publique et cinéma : quand le petit écran en profite…
Depuis 2006, le cahier des charges, d’Al Aoula et 2M leur impose de contribuer à la production cinématographique nationale. Soit en achetant les droits de diffusion de certains films marocains (procédé utilisé surtout par Al Aoula), soit en participant financièrement à la production d’un long-métrage. La chaîne de Aïn Sebaâ a, par exemple, participé à hauteur d’un million de dirhams au financement de Casanegra de Noureddine Lakhmari. “80% des films marocains sortis depuis 8 ans sont co-produits par notre chaîne. Mais il n’y a quasiment jamais de retour total sur investissements”, explique Najib Refaif, directeur de l’unité fiction à 2M. Sauf qu’en coproduisant un film marocain, la deuxième chaîne n’a pas à acheter ses droits de diffusion. Dès qu’il finit sa carrière commerciale et qu’il n’est plus projeté dans le cadre de festivals (en général 1 an et demi après sa sortie en salle), la chaîne peut décider de le passer 3 ou 4 fois en diffusion hertzienne, mais aussi satellitaire. Une manière intelligente d’amortir la somme investie au tout début. Surtout quand le film en question arrive à attirer des millions de spectateurs et plusieurs annonceurs.
L’exemple français : une rentabilité mitigée
“Même dans un pays comme la France, très peu de films arrivent à rembourser les fonds qui leurs sont prêtés par l’Etat”, explique Noureddine Saïl. L’exemple du cinéma français vaut réellement le détour et permet de relativiser la situation de l’industrie cinématographique marocaine.
D’après une étude réalisée en 2008 par le Centre d’économie industrielle de l’Ecole des mines de Paris, seulement 12% des films français sortis en 2005 ont recouvré leurs dépenses de production et de distribution. Soit 15 longs-métrages sur 162 produits durant toute l’année, dont les recettes s’élèvent à 475 millions d’euros pour un investissement de 872 millions. De quoi rassurer notre CCM. Sauf qu’en France et contrairement au Maroc, il existe plusieurs moyens, en plus des sorties en salle, pour rentabiliser un film. Les ventes aux chaînes cryptées - comme Canal Plus ou les chaînes satellitaires consacrées spécialement au Septième art - engrangent le plus de revenus, à savoir 51% des recettes totales. Suivent les sorties en salle (38%), l’exportation (6%), la vente aux chaînes en clair (3%) et enfin les sorties en DVD (2%).
Source : TelQuel - Meryem Saadi
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