Ce français résidant au Maroc, n’hésite pas à parler du hrig, des problèmes de prostitution, d’alcoolisme, des nouveaux rapports hommes-femmes, des tensions arabo-amazighes, et de la corruption policière. « Maroc Fatal », titre-choc, constitue un clin d’œil au maître de la bande dessinée française, Moebius qui, dans un tout autre genre, avait livré son « Major Fatal ».
Acide dans ses propos, Jean-François Chanson entraîne son lecteur dans quatre histoires marocaines qui ont pour point commun la rencontre avec la mort. Toutes les morts évoquées sont différentes mais toutes sont violentes.
Chaque fois, le « fatalisme marocain » comme l’écrit l’auteur, est palpable. Les drames vécus par un petit instituteur, un jeune chômeur diplômé, ou encore un épicier, surgissent, en effet du quotidien, tels des signes du destin.
Les planches sont en noir et blanc, un peu comme les récits.
Jean-François Chanson a pris le parti d’être manichéen. Cette manière de dépeindre des situations stéréotypées donne de la force identificatrice aux personnages et donc de l’intensité subversive au récit.
Parfois, la barrière de la caricature est franchie au détriment de l’efficacité de l’histoire, comme pour ce jeune franco-marocain qui conduit sa voiture illégalement, et raconte en moins d’une page à son cousin marocain qu’il trafique et recèle des objets volés, de la drogue, organise des tournantes et dresse un pitbull dans sa cité en France…
Les nouvelles se déroulent aux quatre coins du Maroc : à Casablanca, dans le Siroua, à Tanger et la dernière à Marrakech.
Celle-ci, « Destins Symétriques », est d’une grande originalité car elle fait se rencontrer les destins similaires d’un occidental et d’un marrakchi. Leur rencontre simultanée avec la mort surviendra d’une manièr éffroyablement banale. En arabe et en français, le récit est organisé en miroir, jouant sur les sens convergents de lecture des deux langues. Pour finir, il faut noter que l’auteur a réussi un tour de force en parvenant à faire paraître au Maroc sa bande dessinée, qui plus est, aussi subversive sur le pays.
En effet, parent pauvre de l’édition marocaine, la bande dessinée est encore trop souvent considérée comme l’apanage de la seule librairie enfantine.« Maroc Fatal » détonne donc d’autant plus dans le paysage éditorial marocain. Subversif, inattendu, parfois décevant, ce premier album n’a pas fini de faire parler de lui.
Libération - Léo Purguette