France : Faire de la politique quand on est immigré

3 novembre 2006 - 09h41 - France - Ecrit par : L.A

C’est à l’initiative du Haut Conseil d’Etat français à l’Intégration, de Sciences-Po Paris (dont les anciens sont nombreux parmi les hauts cadres au Maroc) et de l’Agence nationale de la cohésion sociale, en partenariat avec le quotidien Le Parisien, que le colloque « Diversité et représentation dans le paysage politique français » s’est tenu, samedi 28 octobre 2006.

Une première action avait été menée par le Cercle des élus issus de l’immigration, présidé par le MRE Ahmed Qerrouani (également adjoint au maire de la ville de Dreux), en mai dernier, avec au menu, une rencontre avec les parlementaires siégeant au palais du Luxembourg (Sénat). Pour ce rendez-vous d’automne, trois axes majeurs ont été abordés par les quelque 800 personnes qui ont répondu à l’appel des organisateurs. Dans un premier temps, il s’agissait de procéder à un état des lieux de la diversité en politique.

Pour cela, plusieurs personnalités ont pris place dans la tribune, le « sarkoziste » Yves Jego (UMP) ; Malek Boutih, porte-parole du PS ; Marie Georges Buffet, secrétaire générale du PC ; Nicolas Perruchot, porte-parole de l’UDF ; et Yvan Wehring, des Verts. A leur côté, on apercevait Stéphane Rozes, de CSA Sondage, et Vincent Tiberj, du Centre d’étude de la vie politique française (Cevipof). Inutile de préciser que le parfum de la « présidentielle » embaumait un « amphi » coloré avec la présence d’élus de la diversité, de jeunes de banlieues, d’enseignants, sociologues, éducateurs…

Que faut-il retenir ? Un énième arbre à palabre ? « Il convient de saluer l’effort particulier réalisé par les formations politiques en faveur des minorités visibles sur le terrain. Cependant, il faut reconnaître que l’élection d’un député issu de cette communauté est plus que problématique au vu du nombre d’adhérents dans les circonscriptions », déclare un élu. Autrement dit, la communauté MRE (et d’Afrique du Nord) n’est pas assez « représentée » dans les partis. « A de rares exceptions, les adhérents de nos partis ne sont pas forcment un panel représentatif de la diversité française », renchérit-il.

D’après les intervenants du jour, cette réflexion est également valable pour certaines catégories socioprofessionnelles, comme la classe ouvrière, les demandeurs d’emploi, les « RMIstes », alors que cette population est de 7 millions de personnes. De plus, la situation se complique pour les « beurs », car une partie conséquente d’entre eux fait partie de ces catégories sociales. En clair, l’intgration politique doit devenir effective à la fois pour cette communauté mais aussi pour les catégories sociales les plus populaires. Chacun s’est accordé à dire qu’une réflexion globale doit être mené et qu’un effort particulier doit être réalisé sur ces couches sociales, car cela un impact, par ricochet, sur les représentants des minorités visibles.

Selon des membres du Cercle des élus issus de l’immigration, la France -notamment les responsables politiques- doit impérativement tirer les enseignements des différentes politiques conduites depuis des décennies. « Notre société doit accepter, une bonne fois pour toute, qu’on peut être de confession juive, catholique ou musulmane, est partager les mêmes aspirations. Il ne faudrait pas que les enfants puis les petits-enfants de ces anciens libérateurs du nazisme oubliés vivent le même genre d’injustice, alors qu’un demi-siècle s’est écoulé », indique Ahmed Qerrouani.

Il est vrai que si ce sentiment d’injustice s’installe et se développe, la société française n’a pas fini de débattre sur les causes des violences dans les cités, sur les raisons de la hausse de la délinquance, sur le désespoir qui envahit les banlieues… D’autant que cette injustice en question concerne des centaines de milliers de personnes, également électeurs et élus potentiels. Et là, injecter des millions d’euros pour reconstruire un lien social, pour favoriser la diversité, ne sera plus suffisant. D’après les instituts de sondages, la balle est dans le camp des partis politiques, car les Franais se déclarent prêts à voter pour des responsables politiques issus de l’immigration maghrébine. Pourquoi existe-t-il une sorte de schizophrénie chez les dirigeants politiques ? interroge un président d’association de quartier. Il poursuit.
Pourquoi parle-t-on de « Liberté-Egalité-Fraternité », pourquoi dénonce-t-on les politiques urbaines qui ont fabriqué des ghettos, de discrimination positive alors qu’on amalgame immigration et insécurité… ? Son voisin prend le relais. « Contrairement aux discours, on continue à créer des quartiers ghettos que l’on équipe d’interphone et de grilles fermées pour leur donner des allures de résidence. Et dans le même temps, on licencie des bagagistes à Roissy sous prétexte qu’il sont musulmans et donc suspects » dit-il. Autant dire que l’hiver s’annonce chaud dans l’Hexagone !

Rachid Hallaouy – L’Economiste

Bladi.net Google News Suivez bladi.net sur Google News

Bladi.net sur WhatsApp Suivez bladi.net sur WhatsApp

Sujets associés : France - Droits et Justice - Intégration

Ces articles devraient vous intéresser :

Vers une révolution des droits des femmes au Maroc ?

Le gouvernement marocain s’apprête à modifier le Code de la famille ou Moudawana pour promouvoir une égalité entre l’homme et la femme et davantage garantir les droits des femmes et des enfants.

Maroc : des biens et des comptes bancaires de parlementaires saisis

Au Maroc, les parquets des tribunaux de première instance ont commencé à transmettre aux nouvelles chambres chargées des crimes de blanchiment d’argent les dossiers des présidents de commune et des parlementaires condamnés pour dilapidation et...

Plaidoyer pour l’abolition de la peine de mort au Maroc

La lutte contre l’abolition de la peine capitale est toujours d’actualité au Maroc. En témoigne la récente participation des réseaux et militants marocains contre la peine de mort, à la 8ᵉ édition du congrès mondial qui s’est tenu à Berlin du 18 au 25...

Poupette Kenza : compte Instagram désactivé après des propos « antisémites »

L’influenceuse aux plus d’un million d’abonnés sur Instagram, Poupette Kenza, se retrouve au cœur d’une vive controverse après avoir tenu des propos jugés antisémites. Dans une story publiée le 15 mai 2024, elle affirmait sans équivoque son soutien à...

Corruption au Maroc : des élus et entrepreneurs devant la justice

Au Maroc, plusieurs députés et élus locaux sont poursuivis devant la justice pour les infractions présumées de corruption et d’abus de pouvoir.

Le harcèlement sexuel des mineures marocaines sur TikTok dénoncé

Lamya Ben Malek, une militante des droits de la femme, déplore le manque de réactivité des autorités et de la société civile marocaines face aux dénonciations de harcèlement sexuel par des mineures sur les réseaux sociaux.

Mohamed Ihattaren rattrapé par la justice

Selon un média néerlandais, Mohamed Ihattaren aurait des démêlés avec la justice. Le joueur d’origine marocaine serait poursuivi pour agression et tentative d’incitation à la menace.

Les cafés et restaurants menacés de poursuites judiciaires

Face au refus de nombreux propriétaires de cafés et restaurants de payer les droits d’auteur pour l’exploitation d’œuvres littéraires et artistiques, l’association professionnelle entend saisir la justice.

Maroc : 20 affaires de détournement de fonds publics devant la justice

Le président du ministère public a été saisi par le procureur général du Roi près la Cour des comptes de 20 affaires de détournement de deniers publics au titre de l’année 2021.

Un ancien ministre interdit de quitter le Maroc après ses propos sur le roi Mohammed VI

Les autorités marocaines ont interdit à l’ancien ministre Mohamed Ziane de quitter le royaume, après ses déclarations contre le roi Mohammed VI dont il dénonçait l’absence prolongée.