Honte et servitudes...

2 décembre 2002 - 11h49 - Maroc - Ecrit par :

Elle serait tombée du balcon en jouant. Elle aurait été tellement maltraitée qu’un jour elle a fini par sauter par le balcon. Elle avait quatorze ans, selon les uns, seize selon ses employeurs. Elle était bonne à tout faire, esclave dans le Maroc du XXIème siècle et des premières élections libres.

Aujourd’hui elle est morte. Son corps a nécessité une autopsie et l’affaire de cette enfant morte dans des conditions suspectes est suivie par plusieurs associations de défense des droits de l’enfant. La justice, quant à elle, n’a pas encore tranché sur ce énième cas de décès suspect de petite bonne.

Mais quel que sera son verdict, jamais justice ne sera faite à cette fille, morte en vendant sa force de travail à un âge où on est supposé aller à l’école. Jamaisjustice ne sera faite, parce que dans cette histoire, tout le monde est complice : les employeurs, les parents, la société et la loi. La misère aussi, mais pas seulement. Nous vivons dans un pays où une bonne est souvent considérée comme une espèce de sous-être dénué de tout sentiment et de sensibilité. Et l’éducation de ce sentiment de mépris pour les employées de maison est quasiment culturelle.

Dans le "fait-divers"de la petite bonne morte suite à une chute d’un balcon d’un quartier huppé de la capitale, celle-ci aurait demandé à des employeurs de la laisser rentrer chez ses parents. Sans succès. Bien au contraire, ils auraient exigé d’elle une obéissance totale et un silence absolu, même lorsqu’ils la battaient à coups de ceinture. Cet état d’insulte à sa dignité d’être humain l’a tué.

On ne saura jamais si elle a sauté de ce balcon, si elle a glissé en tentant d’échapper à un coup de ceinture ou si encore elle est tombée en jouant avec les enfants de ses employeurs. Au fond, cela n’a d’importance que pour ses proches, ceux qui ont sans doute envie de savoir ce qui s’est réellement passé ce jour-là. Car, le fond du problème est ailleurs. D’ordre éducatif, comme on l’a déjà souligné, et il n’est, à cet effet, jamais inutile de rappeler quele Maroc est signataire de la Convention onusienne des Droits de l’Enfant, mais juridique aussi. Surtout.

Parce que pour que soit mis fin à cette véritable gifle aux droits de l’enfant, il faut que l’Etat prenne ce problème en charge. Qu’une loi soit promulguée pour que les bonnes n’ayant pas atteint leur majorité ou au moins 16 ans, soient interdites d’emploi dans les maisons. Que toute digression à cette loi, qu’elle vienne des parents, des entremetteurs ou des employeurs sera sanctionnée par une peine de prison. C’est aujourd’hui à la justice de faire ce travail de salubrité publique. Pour que cesse , une fois pour toutes, cette honte qui pèse sur notre pays.

Libération Maroc

Bladi.net Google News Suivez bladi.net sur Google News

Bladi.net sur WhatsApp Suivez bladi.net sur WhatsApp

Sujets associés : Droits et Justice - Pauvreté - Enfant

Ces articles devraient vous intéresser :

Maroc : utilisation frauduleuse de l’autorisation de polygamie

Le premier président de la Cour de cassation et président délégué du Conseil supérieur du pouvoir judiciaire (CSPJ), Mohamed Abdennabaoui, a mis en garde les présidents des tribunaux contre l’utilisation frauduleuse de l’autorisation de polygamie.

Tarik Tissoudali condamné

Décidément, la semaine est décidément noire pour Tarik Tissoudali. Après s’être attiré les foudres de son club, La Gantoise, pour des critiques acerbes suite à la défaite contre le Standard, l’attaquant de 30 ans a été condamné vendredi par le tribunal...

Plaidoyer pour l’abolition de la peine de mort au Maroc

La lutte contre l’abolition de la peine capitale est toujours d’actualité au Maroc. En témoigne la récente participation des réseaux et militants marocains contre la peine de mort, à la 8ᵉ édition du congrès mondial qui s’est tenu à Berlin du 18 au 25...

Réaction de la mère d’Achraf Hakimi après les accusations de viol

La mère du latéral droit marocain du PSG, Achraf Hakimi, a réagi aux accusations de viol portées par une femme de 24 ans contre son fils. Cette semaine, le joueur a été mis en examen par la justice.

Maroc : des centres pour former les futurs mariés

Aawatif Hayar, la ministre de la Solidarité, de l’intégration sociale et de la famille, a annoncé vendredi le lancement, sur l’ensemble du territoire du royaume, de 120 centres « Jisr » dédiés à la formation des futurs mariés sur la gestion de la...

Appel à lutter contre la mendicité au Maroc

Le niveau de pauvreté et de vulnérabilité n’a pas baissé au Maroc. En 2022, il est revenu à celui enregistré en 2014, selon une note du Haut-Commissariat au Plan (HCP) publiée en octobre dernier. Une situation qui contribue à la hausse de la mendicité...

Un agriculteur espagnol attaque la famille royale marocaine

Le Tribunal de l’Union européenne a entendu mardi les arguments de l’entreprise Eurosemillas, spécialisée dans la production de semences sélectionnées, qui demande l’annulation de la protection communautaire des obtentions végétales pour la variété...

Au Maroc, le mariage des mineures persiste malgré la loi

Le mariage des mineures prend des proportions alarmantes au Maroc. En 2021, 19 000 cas ont été enregistrés, contre 12 000 l’année précédente.

Maroc : l’utilisation de WhatsApp interdite dans le secteur de la justice

Le procureur général du Maroc, Al-Hassan Al-Daki, a interdit aux fonctionnaires et huissiers de justice d’installer et d’utiliser les applications de messagerie instantanée, et principalement WhatsApp, sur leurs téléphones professionnels.

Hiba Abouk, séparée d’Achraf Hakimi, trouve du réconfort auprès de ses enfants

Affectée par sa séparation avec Achraf Hakimi et la polémique liée à leur divorce, Hiba Abouk continue de garder le moral haut et le sourire grâce à ses enfants Amin (3 ans) et Naïm (1 an).