Fiscalité : La jungle des exonérations

15 novembre 2007 - 21h19 - Economie - Ecrit par : L.A

Combien coûtent les mesures dérogatoires du système fiscal marocain ? Vous l’aurez deviné, cela dépasse l’entendement. Précisément le montant s’élève à 23,6 milliards de DH en 2007, soit une hausse de 10% par rapport à 2006.

Les exonérations représentent 17,4% du total des recettes fiscales (135,4 milliards de DH). Ce rapport est en recul de 1,5 point puisque les recettes fiscales augmentent plus rapidement que les dépenses.

A l’origine de ce constat : 410 incitations aussi bien totales que partielles, soit 5 mesures de plus qu’en 2006. Les 250 exonérations totales représentent 52% des dépenses globales contre 21% pour les réductions et 7% pour les exonérations partielles. A noter que 62% de ces mesures sont destinées aux activités économiques contre 32% aux secteurs sociaux et le reste pour les activités culturelles.

La structure sectorielle des dépenses fiscales a sensiblement changé cette année. En effet, les mesures transversales à tous les secteurs ont connu une diminution significative de 43% s’affichant à 2,8 milliards de DH contre 4 milliards en 2006. Suite à cette baisse, l’immobilier arrive en tête des secteurs profitant des exonérations fiscales avec 44 mesures qui génèrent 4 milliards de DH, soit 16,7% du total des dépenses. Reste que la santé et l’action sociale concentrent le plus grand nombre de dérogations (52 mesures). Après une augmentation de 28,5%, les incitations accordées à l’agriculture et la pêche arrivent en deuxième position avec environ 3 milliards de DH. Seules 2 mesures incitatives sont allouées au tourisme pour une valeur de 250 millions de DH.

TVA : Des incitations inefficaces

La TVA concentre le tiers des dérogations recensées par le fisc. Les 135 mesures qui lui sont dédiées génèrent 11 milliards d’exonérations. Ce chiffre est en léger recul de 3% par rapport à 2006.

La baisse est probablement liée à la levée des exonérations de la TVA sur les biens d’équipement et le crédit-bail. Les dépenses liées à cette mesure sont ainsi passées de 650 à 32 millions de DH en un an.

L’exonération des opérations et des intérêts afférents aux avances et prêts consentis à l’Etat par les opérateurs financiers est la première source de dépenses liée à la TVA avec 1,6 milliard de DH (-12% par rapport à 2006). La non-imposition des ventes de viande fraîche ou congelée arrive en deuxième position avec 821 millions de DH, suivie de l’incitation accordée dans le cadre du logement social (660 millions de DH). En dépit de l’annulation du fameux article 19, les promoteurs de ce secteur ne paieront pas la TVA. Par ailleurs, l’exonération des importations de sucre brut fait profiter cette industrie de 696 millions de DH.

Toutes ces incitations n’ont finalement qu’un impact limité sur la consommation et l’investissement. L’évaluation d’un échantillon des réductions de TVA à 7% révèle que l’amélioration de la consommation et la baisse des prix qui en découle ne dépassent pas 0,2 et 0,1%, respectivement la contribution de ces incitations, liées aux hydrocarbures, à l’énergie, au sucre, au PIB réel et à l’investissement se limite à 0,1% également. Le taux réduit de 14%, appliqué à ce même échantillon, améliore le pouvoir d’achat et l’investissement est de 0,3% seulement.

L’effet de l’exonération totale de TVA n’est pas plus notable. Son application au niveau de l’agroalimentaire, la construction et la fabrication des équipements donne lieu à une augmentation de la consommation globale de 0,1%.

Dans le détail, l’amélioration de la demande des produits agroalimentaires se limite à 0,7% contre 0,2 pour les équipements et 0,3% pour la construction. Les exonérations profitent plus à l’offre. L’investissement dans l’agro-alimentaire a progressé de 1,8% contre 0,5% pour la fabrication d’équipements et 1,4% pour la construction.

Rapporté à la production nationale, l’impact de ces incitations se limite à 0,1%. Alors qu’elles produisent un effet négatif direct, mais non mesuré, sur les recettes fiscales et l’épargne publique. Elles contribuent d’ailleurs à la régression du déficit budgétaire à hauteur de 0,1% du PIB.

« Les impacts macroéconomiques générés par les exonérations de TVA des trois branches étudiées auraient demeuré faibles. Parallèlement, ces mesures auraient été à l’origine de coûts de gestion et de problème de neutralité de TVA... Du point de vue équité, les exonérations profitent plus aux couches les plus riches, ce qui remet en cause les raisons avancées pour les justifier », conclut le rapport sur les dépenses fiscales.

La provision d’investissement bouste la croissance de 0,2% !

Les 87 incitations relatives à l’IS arrivent loin derrière avec 4,6 milliards de DH. La plus importante parmi elles demeure la déduction de la provision d’investissement pour un montant de 1,4 milliard de DH, en baisse de 1,2%. L’Etat supporte 752 millions de DH dans le cadre de l’exonération accordée aux exportateurs.

Les opérateurs financiers sont ceux qui profitent le plus des dépenses liées à l’IS. Leur part est passée de 539 à 970 millions de DH sur un an. Cela résulte principalement des abattements sur les plus-values de cession d’éléments d’actifs (751 millions de DH).

Pour estimer l’impact économique des exonérations de l’IS, le fisc a pris comme échantillon la provision pour investissement. Le manque à gagner que génère cette dépense au niveau des finances publiques est estimé à 7% des recettes de l’IS, soit une aggravation du déficit budgétaire de 0,2 point de PIB. Néanmoins, elle permet une croissance de 1,7% de l’investissement et une amélioration de 0,2% de la croissance.

L’IR enregistre la plus forte hausse en termes de dépenses fiscales. Les 75 mesures recensées font supporter à l’Etat 3 milliards de DH (+37%). Les ménages bénéficient de la moitié de cette somme contre 14% pour les entreprises et 11% pour les services publics.

Les droits d’enregistrement génèrent à peu près le même montant de dépenses fiscales que l’IR, soit 2,7 milliards de DH pour 103 incitations. Le taux réduit de 2,5% appliqué aux locaux nouvellement acquis est à l’origine de 970 millions de DH de dépenses fiscales.

L’Economiste - N. Sqalli & M. A. B.

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Sujets associés : Politique économique - Faillite - Impôts

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