Abdellatif Laraki interdit de quitter le territoire français

28 mars 2005 - 18h21 - France - Ecrit par :

Arrêté en Espagne, à Séville, puis extradé à Paris, Abdellatif Laraki, l’ex-Pdg du groupe Banque populaire, a bénéficié d’une mesure de liberté provisoire conditionnée moyennant une caution considérable. L’ex-patron du groupe risque gros dans cette affaire qui le rattrape sept ans après son départ à la retraite. La justice française retient dans ce dossier des chefs d’accusation gravissimes comme l’abus de biens sociaux.

Il est doublement poursuivi et il s’est doublement acquitté de grosses cautions pour recouvrer provisoirement sa liberté. Au Maroc comme en France, il s’en est bien tiré, pas pour longtemps, chaque fois qu’on lui met la main dessus. L’homme d’affaires ne recule devant rien pour débloquer la situation et négocier des issues très convenables à son procès qui le pourchasse là il se terre. Son secret, qui n’est plus un, l’homme possède un patrimoine non négligeable-pour employer un uphémisme- et une fortune plus que respectable qui lui permettent de dénouer son conflit avec la justice chaque fois que son affaire s’envenime. Lui, c’est Abdellatif Laraki, l’ex-Pdg du groupe Banque populaire, incarcéré une dizaine de jours à Madrid, en Espagne, puis relâché après son extradition la semaine dernière en France. Après une brève comparution devant le juge d’instruction du tribunal de Grande instance de Paris, le mardi 15 mars courant, Abdellatif Laraki, abattu de ses dix jours de détention à la prison à Madrid, où il a côtoyé les milieux du banditisme espagnol, se pose en victime et arrive à convaincre le juge français pour une éventuelle mise en liberté provisoire. Oui, dira le juge. Mais une liberté provisoire limitée dans le temps et dans l’espace. En plus du retrait du passeport, Abdellatif Laraki est sommé de ne pas quitter le territoire français, de rester à l’entière disposition de la justice française, de pointer du nez une fois par semaine chez la brigade financière pour enquête, et de payer une caution considérable en gage aux montants dilapidés de la succursale française, la BP de Paris.

Force majeure

Un autre coup dur pour le géant Laraki qui se serait bien passé de telles mesures s’il ne tenait pas à sa passion favorite que sont les tournois de bridge pour lesquels il s’est déplacé, il y a des jours, à Séville au sud d’Espagne (Voir LGM n° 411). Parallèlement et au même jour de sa comparution au tribunal de Grande instance de Paris, Abdellatif Laraki, toujours lui, manquait à l’appel des magistrats pour le même procès ouvert à la Cour d’Appel de Casablanca. Son avocat, Me Aziz Benkirane, présent à la salle, informe les magistrats de l’arrestation de Laraki en Espagne et invoque le cas de force majeure de son client qui se retrouve dans l’impossibilité de regagner le Maroc. La nouvelle donne ne changera rien au procès qui s’est déroulé en présence des autres prévenus, les deux anciens directeurs généraux de la filiale parisienne Mustapha Rar ainsi que Mohamed Benkirane, Aïcha Skalli, ancienne directrice des engagements à Paris, Hicham Aït Menna, client de la banque, interdits, à leur tour, de quitter le territoire marocain.
En effet, le volet français est le plus important dans son dossier et illustre le mauvais fonctionnement de la succursale parisienne qui a fait l’objet de plusieurs enquêtes judiciaires après le départ de Laraki à la retraite. La justice française et le trésor, partie civile dans cette affaire, lui reprochent des abus de biens sociaux, abus de pouvoir sociaux et irrégularités dans plusieurs comptes de la BP Paris.
Le mécanisme, tel qu’il a été décrypté par les enquêteurs de la commission bancaire française, était particulièrement astucieux. Le principe consistait à faire parvenir dans des comptes personnels de Abellatif Laraki, alors qu’il était à la tête de cet empire financier qu’est la BP, des sommes placées dans les contrats d’assurance (comptes en déshérence) sans les déclarer ni au fisc français ni au trésor public.

Opérations de malversations

Pour la Justice française, Laraki devra s’expliquer sur le financement de plusieurs sociétés étrangères, comme Sagil Communication d’Aït Menna, et sur plusieurs infractions à la loi bancaire en vigueur en France. Il devra dire si, oui ou non, il était informé des pratiques douteuses de son management qui a plombé les comptes de la PB Paris, avec la bénédiction de sa maison-mère. Et enfin, il devra, autre épine dans le pied mais d’une autre nature, expliquer le circuit emprunté par les fonds (dilapidés) qui ont été transférés légalement du siège de la banque à Casablanca vers la filiale française au nom d’un soi-disant redressement de la filiale. Si ce n’est pas un abus de biens sociaux, cela y ressemble beaucoup en tout cas. Pour coincer Laraki, les enquêteurs français ont à leur disposition plusieurs documents prouvant les forfaits du contrevenant Laraki. Comme son implication dans plusieurs opérations de malversation, l’octroi de crédits sans garantie et facilités de caisse non justifiées au profit de nombreux clients, fausses informations sur les statuts des créanciers, non-déclaration des créances en souffrance en France. Autre chef d’inculpation, et non des moindres, auquel doit répondre Abdellatif Laraki : l’utilisation des fonds de la banque pour la constitution, en 1992 à Paris, de la société Euroma. Une entreprise dotée d’un capital de 2.000.000 FF et dirigée par un ancien de la banque, Najib Laarfaoui. Sa faillite consommée en 1995, a coûté à la BCP la coquette somme de 1.000.000 FF comme prime de dédommagement à ce dernier. Preuves à l’appui, Abdellatif Laraki a donné de fausses informations à la commission bancaire française sur la véritable santé financière de certains clients qui ne remplissaient pas les conditions requises pour contracter un crédit. C’est le cas des sociétés Stratos, GPPA, Amor, Light Kind, ITTO, ARTIS, Gilbert Nedjar.

Gabegie bien orchestrée

En définitive, l’affaire BP Paris est l’une des queues de comète de l’autre affaire judiciaire ouverte à Casablanca, une carambouille à base de gaspillage, de légèreté et de brigandage. Pour le Maroc, comme pour la France, le désastre de la banque se solde par une facture de plusieurs millions de Dhs. Cette version-là du dossier illustre les méfaits de Abdellatif Laraki et sa bande qui ont sévi à un certain moment avant qu’ils ne soient tombés dans les filets de la justice. Pour une poignée d’hommes d’affaires, marocains et français, ayant bâti leur fortune grâce aux généreux prêts de la banque, la BP de Paris a fait faillite. Au temps de sa splendeur, la succursale française a fonctionné comme une fabrique de nouveaux millionnaires. Sous couvert de financement des projets de création d’entreprises, l’ex-dirigeant de la banque semblait toujours disposé à octroyer des prêts généreux à une poignée de ténors des affaires. Il ne négligeait pas non plus d’investir directement dans son négoce en créant ses propres sociétés et d’acquérir des biens immobiliers en France. Mais depuis sa retraite en 1997, la belle mécanique s’est grippée en dévoilant toutes les turpitudes d’une gabegie bien orchestrée par l’un des premiers banquiers du Maroc. Face à son juge français, Abdellatif Laraki doit apporter des réponses convaincantes. Sa mise en liberté provisoire et le paiement d’une caution conséquente n’excluent en aucun cas une éventuelle incarcération et des peines d’emprisonnement selon les lois en vigueur en France. À quelques encablures du centre parisien, dans le 16ème arrondissement, Abdellatif Laraki, 72 ans, occupe un luxueux appartement payé et meublé aux frais de la princesse à l’époque où il était aux destinées du groupe de la Banque Populaire. Blessé dans son amour propre, il a tout son temps pour méditer son sort.

Youssef Chmirou - La Gazette du Maroc

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Sujets associés : France - Procès - Banques

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